Actualités  |  Mercredi 25 janvier 2012

Le livre ne doit pas être livré à la seule loi du marché

Je suis pour l'économie de marché. Point final? Non: point de suspension. Je suis pour l'économie de marché… régulée quand elle produit des effets indésirables. C'est pourquoi je voterai oui à la loi sur la réglementation du prix du livre le 11 mars prochain. Cette loi vise à limiter les différences de prix par rapport à ceux qui sont pratiqués à l'étranger et à régir la politique des rabais.

Tout le monde admet aujourd'hui que la BNS lutte à coups de milliards pour maintenir le prix de l'euro à 1 franc 20. Sans l'intervention de la BNS, la faiblesse de l'euro par rapport à notre monnaie viendrait ruiner nos industries d'exportation, nos commerces, notre tourisme. Pour éviter cela, de nombreux milieux économiques souhaiteraient même que la BNS fixe le prix plancher de l'euro à 1 franc 40. Le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann s'est d'ailleurs exprimé dans ce sens. Et nous devrions abandonner un bien culturel essentiel, le livre, à la seule loi du marché?

Qu'on se comprenne bien. L'économie libérale a de nombreux bienfaits. Sa contribution à la prospérité d'un pays est diamétralement opposée à l'avalanche de misères provoquée par un système collectiviste. Mais le marché présente parfois aussi des défauts, qu'il faut savoir atténuer, voire corriger, quand c'est nécessaire pour maintenir le bien-être du pays.

La seule loi du marché, c'est la fermeture du site de Novartis à Prangins, la mort de notre agriculture, la fin de notre promotion touristique, la disparition de nombreuses institutions culturelles, théâtres, orchestres, cinémas, etc. La seule loi du marché dans le domaine du livre, c'est la ruine de la diversité culturelle, la dictature du best-seller.

Une loi protège le livre dans les pays qui nous entourent, en France, en Allemagne, en Autriche. Dans l'Hexagone, le prix du livre est réglementé: il a augmenté deux fois moins que l'inflation au cours des dernières décennies. Le réseau de librairies indépendantes est l'un des plus denses au monde. Il cohabite avec les autres circuits de distribution du livre: les grandes surfaces culturelles comme la Fnac, la grande distribution commerciale, les clubs du livre et internet. Chaque circuit joue son rôle et l'acheteur bénéficie d'un véritable choix.

Au Royaume-Uni, au contraire, la réglementation du prix du livre a été supprimée par Margaret Thatcher: ce prix a augmenté bien davantage que l'inflation et les librairies ont été dévastées. Nous ne voulons pas d'une situation à l'anglaise, où plus de la moitié des villes n'ont plus de librairie et s'appauvrissent culturellement.

Le monde du livre a besoin qu'on lui reconnaisse un statut spécifique qui corresponde à son rôle dans la création et la diffusion de la pensée, dans le débat d'idées démocratique. C'est un enjeu culturel, politique, de société. Voilà pourquoi je voterai oui à la loi sur la réglementation du prix du livre.

Olivier Feller
Conseiller national radical

Publié dans 24 heures le mercredi 25 janvier 2012