Actualités  |  Lundi 9 janvier 2006

LES COMMUNES NE SONT PAS LES GODILLOTS DU CONSEIL D'ETAT

Comment? Les communes osent se rebeller contre le canton et son Conseil d'Etat? Elles n'acceptent pas qu'un nouveau report de charges vienne encore alourdir la facture qu'on leur a refilée ces dernières années? L'establishment cantonal n'en finit pas de s'en étrangler.

Dans cette affaire, c'est pourtant l'étonnement du Château qui étonne. Car en cinq ans, la contribution des communes à la réduction des déficits de l'Etat a augmenté de plus de 200 millions, sous forme de participation accrue à la facture sociale, à l'entretien des routes, etc. Le fait que la rallonge supplémentaire pour 2006 a été progressivement réduite de 100 à 17 millions ne change rien au problème. C'est 17 millions de trop sur le fond et dans la manière.

Aujourd'hui, le retour à la normale des relations canton-communes passe par un changement de comportement de l'Etat et la mise en œuvre de quelques principes de base.

1. Un moratoire complet doit intervenir dans les reports de charges que le canton déverse année après année sur les communes, en s'imaginant qu'il parviendra à ses fins en utilisant la méthode du salami.

2. Toute modification des flux financiers entre canton et communes doit faire l'objet d'une négociation paritaire. On ne peut pas prétendre dans les discours que les communes sont les partenaires naturels de l'Etat et les traiter dans les faits comme des godillots, toujours prêts à suivre les ordres de marche. Si le Conseil d'Etat négocie à juste titre avec les syndicats qui représentent le personnel de l'administration cantonale, pourquoi perdrait-il la face s'il agissait de même avec cet autre partenaire que sont les communes? Les communes ne sont-elles pas, au même titre que la Confédération et les cantons, l'un des piliers de l'Etat?

3. La répartition des charges entre canton et communes doit reposer sur le principe «qui paie commande, qui commande paie». Autrement dit, si l'Etat veut conserver la main sur les dépenses dans tel ou tel domaine, il doit aussi les assumer, entièrement. S'il désire en revanche mettre certains coûts à la charge des communes, il doit leur transmettre en même temps les compétences de décision qui s'y rapportent.

4. L'accord à trouver doit également s'inscrire dans la durée, au lieu de la politique à la petite semaine qui nous est aujourd'hui servie. Il permettra d'avoir une vue d'ensemble sur les mesures retenues pour redresser les finances de l'Etat.

5. Le résultat des discussions paritaires doit être soumis pour approbation aux organes représentatifs des communes vaudoises, à l'instar de ce qui se fait à l'issue des négociations entre partenaires sociaux. En cas d'échec, le Conseil d'Etat doit naturellement s'attendre à ce que le débat soit tranché par la voie la plus démocratique et la plus légitime qui soit, c'est-à-dire dans les urnes.

A quelques nuances près, cette position est défendue par de nombreux syndics et municipaux qui ne conçoivent pas leur rôle comme un pouvoir de nuisance. C'est aussi l'approche rationnelle et constructive prônée par plusieurs élus de gauche, à l'instar du socialiste Eric Voruz, syndic de Morges.

Ajoutons que les reports de charges du canton contraignent bon nombre de communes à augmenter leur taux d'impôt, ce qui revient à faire payer au contribuable communal ce que le contribuable cantonal a clairement refusé le 17 avril dernier. Le seul problème, c'est que le contribuable communal et le contribuable cantonal sont une seule et même personne…

Olivier Feller, député au Grand Conseil

Article publié dans la rubrique "l'invité" de 24 Heures du 9 janvier 2006