Actualités  |  Mardi 21 novembre 2006

NE METTONS PAS L'IMPÔT A TOUTES LES SAUCES

L'impôt est à la mode. Chacun cherche à le mettre à sa sauce, à la hausse ou à la baisse, côté cuisine traditionnelle. Mais on voit apparaître une cuisine plus inventive, qui n'est pas nécessairement du meilleur goût. C'est la sauce à l'envers avec l'impôt dégressif, ou la sauce consommation qui prétend rendre certains services «gratuits» grâce à l'impôt. Tout se passe comme si l'impôt était un gadget, de préférence électoral, alors que la fiscalité est un des éléments-clés de la crédibilité de l'Etat.

Petit tour d'horizon. La sauce «à la hausse» d'abord. Malgré le refus populaire répété de ce plat mijoté peu apprécié des contribuables, il se trouve toujours des âmes bien intentionnées pour vouloir augmenter les impôts, surtout ceux des autres. C'est une aberration. Parce que la Suisse n'est plus le paradis fiscal des entreprises. Notre pays est certes encore attractif par rapport à la France ou à l'Allemagne. Mais il l'est de moins en moins par rapport à un nombre croissant de pays européens, de l'Irlande aux pays de l'Est. Accroître la pression fiscale, c'est menacer l'emploi et pénaliser les classes moyennes alors que d'autres prélèvements obligatoires augmentent, comme les taxes et les émoluments administratifs.

La sauce «à la baisse» n'est pas recommandable en toute occasion. Dans le canton de Vaud, par exemple, une réduction du taux d'impôt serait prématurée. Dans les circonstances présentes, nous avons d'abord besoin de réduire l'endettement collectif accumulé afin de ne pas reporter davantage les coûts de notre confort sur les générations à venir et de retrouver la marge d'investissement nécessaire au bon fonctionnement de nos infrastructures et de l'économie.

La sauce «à l'envers» a fait fureur ces derniers mois en Suisse alémanique. Il s'agit de transformer le taux progressif de l'impôt en taux dégressif à partir d'un certain montant de revenus. L'idée est d'attirer chez soi les plus gros revenus et d'augmenter ainsi les recettes fiscales de la collectivité. Cette manière de faire peut être efficace, du moins à court terme. Elle heurte en revanche le sentiment de justice et porte ainsi atteinte à la cohésion sociale. Là aussi, la réponse doit être non.

Très tendance, la sauce «consommation» est également dangereuse. La gauche veut introduire la «gratuité» de certaines prestations, en particulier des transports publics, en les faisant payer exclusivement par l'impôt. C'est faux pour deux raisons au moins. La première est bien mise en évidence par les Verts. «La mobilité n'est pas un droit, explique par exemple la présidente des écologistes vaudois, Nicole Baur. Elle crée des coûts qui doivent être assumés.» Et assumés en partie par le consommateur. Dans ce débat, les Verts ont raison contre la gauche.

Il y a un deuxième motif pour refuser cette dérive. La gratuité priverait les transports publics d'une part importante des moyens dont ils ont besoin pour investir alors que tout nous incite à les développer: l'augmentation de la population et de la mobilité comme la protection de notre environnement. Notre région le sait à ses dépens. Nous avons grand besoin, le plus rapidement possible, d'une troisième voie CFF complète entre Lausanne et Genève. Ce n'est donc pas le moment de couper dans les ressources nécessaires au financement de telles infrastructures. A moins de vouloir bientôt proposer aux citoyens de faire le trajet à la nage?

Olivier Feller
Député au Grand Conseil

Article publié dans Le Temps du 21 novembre 2006