Actualités  |  Jeudi 1er juin 2017

Le royaume postal où le client n’est pas le roi

La Poste est sourde aux mécontentements de la clientèle. Partout, son programme de fermeture des bureaux de poste provoque des pétitions, des manifestations. La grogne a fini par gagner les milieux politiques. Au Tessin, en Valais, les parlements cantonaux ont dit non à ce programme de démantèlement. La Poste s’en moque en pariant sur l’indifférence des uns, la lassitude des autres.

Cette attitude n’est pas admissible. Société anonyme de droit public détenue à 100% par la Confédération, la Poste oublie qu’elle appartient au peuple suisse et que certaines des tâches qu’elle accomplit relèvent, en vertu de la loi, du service universel dû à chaque citoyen. 

Aujourd’hui, les offices postaux fermés les uns après les autres sont souvent remplacés par des agences confiées à un commerce local. On passe donc du public au privé. Cette manœuvre n’est pas sans conséquences.

1. Le secret postal garanti par la Constitution fédérale a-t-il vraiment la même valeur dans une épicerie qu’au bureau postal tenu par des agents spécialement formés à leur mission ?

2. On remplace des emplois payés dans les 80'000 francs par année par un versement de quelques dizaines de milliers de francs au gérant d’un commerce.

3. Les prestations de ces agences au rabais ne sont évidemment plus les mêmes. On ne peut plus y retirer tous les envois avisés. On ne peut plus retirer les mêmes sommes d’argent. On ne peut plus faire ses paiements qu’avec une Postcard. On ne peut même plus acheter tous les timbres-poste.

4. La pérennité de ces agences confiées à des commerces n’est pas garantie. Non seulement le magasin peut un jour fermer à son tour, mais il arrive aussi qu’un gérant finisse par renoncer à son rôle de postier de substitution, faute d’y trouver son compte.

5. Avec la fermeture de ses offices, La Poste en vient à ne plus respecter ses obligations légales qui prescrivent que 90% des habitants doivent avoir accès à un guichet à 20 minutes de chez eux. 

Ça fait beaucoup, mais ce n’est pas tout. La Poste ne garantit plus la distribution matinale du courrier et des journaux. Ils peuvent vous arriver bien au-delà de midi, parfois même en fin d’après-midi. Or la plupart des lecteurs de quotidiens ont un abonnement à la version papier de leur journal. Seule une minorité opte aujourd’hui pour un abonnement donnant uniquement accès à la version numérique. Et la distribution trop tardive du courrier amène régulièrement des lecteurs à résilier leur abonnement. Cette situation est à l’origine d’une motion parlementaire que j’ai déposée en février dernier. Elle demande au Conseil fédéral de prendre les mesures pour que soit garantie la distribution matinale des journaux, qui vivent une période économique difficile alors qu’ils jouent un rôle indispensable pour le bon fonctionnement de la démocratie.

Le comportement de La Poste est d’autant moins justifié que l’évolution qui lui est effectivement défavorable sur le plan du courrier est réjouissante dans le domaine des colis, grâce au boom du commerce par internet. Selon ses propres chiffres, le volume des colis qu’elle a distribués a augmenté de 5.6% en 2016.

La volonté d’économies de La Poste serait aussi plus crédible si sa directrice ne bénéficiait pas d’un salaire deux fois plus élevé que celui d’un conseiller fédéral, sans que ses responsabilités, à la tête d’une entreprise publique, soient manifestement plus impressionnantes.

Le discours de La Poste sur sa volonté d’être à l’écoute de ses clients serait également plus audible si ces derniers étaient représentés au sein du Conseil d’administration. Or, sur les onze membres qui le composent, il n’y a pas un seul représentant des usagers. Le président est issu du sérail politique. Il est entouré de deux représentants du personnel et de huit autres membres : économiste, banquier, administrateur d’autres sociétés... Rien qui ressemble au profil d’un représentant des consommateurs. C’est pourquoi j’ai déposé une autre motion demandant que les usagers soient représentés en tant que tels au sein du Conseil d’administration, au même titre que les représentants du personnel. Sinon, les sempiternelles rengaines sur l’air du « client est roi » ne sont que des balivernes.    

Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud

Article publié dans Le Temps du 1er juin 2017