Actualités  |  Lundi 12 juin 2023

Primes d'assurance-maladie: la transparence? connaît pas

Tout le monde déplore l'augmentation des primes de l'assurance-maladie obligatoire. Elles ont augmenté en moyenne de 6,6% en 2023, soit une hausse bien supérieure au taux moyen de l'inflation dans notre pays. Un scénario du même type pourrait se reproduire en vue de l'année 2024, selon le conseiller fédéral Alain Berset.

Le défaut de transparence dans le processus de calcul des primes de l'assurance-maladie obligatoire est régulièrement pointé du doigt. Etrangement, pourtant, toutes les tentatives pour introduire davantage de transparence en la matière se sont heurtées jusqu'à présent à un refus de l'OFSP, l'Office fédéral de la santé publique, et du Conseil fédéral lui-même.

Or, depuis 1996, l'année de l'entrée en vigueur de la loi sur l'assurance-maladie, les primes ont davantage augmenté que les coûts de la santé. Il y a donc un nœud quelque part. Mais l'opacité du système est telle qu'il est bien difficile de le dénouer. La surveillance même des caisses d'assurance-maladie fonctionne de manière pour le moins curieuse.

1. Pour évaluer la fiabilité des primes, l'OFSP se fonde, selon ses propres dires, sur trois critères: des prévisions d'évolution des coûts, des valeurs empiriques et des comparaisons entre assureurs. Ces critères ne sont pas vraiment limpides. Sont-ils scientifiquement très solides? Il faudrait en savoir plus pour en juger. 

2. Les assureurs-maladie obligatoires placent quelque 18 milliards sur les marchés financiers. Ces revenus peuvent être utilisés pour réduire les primes, une fois assuré le maintien des réserves. Le problème, c'est que les assureurs-maladie ont la possibilité, et non l'obligation, d'affecter les revenus de leur fortune à la diminution des primes. En 2022, par exemple, seuls 32 sur 51 assureurs l'ont fait. Et ces 32 assureurs n'ont pas tous affecté la totalité des revenus à disposition. Il conviendrait donc de modifier le cadre juridique actuel de manière à ce que les assureurs-maladie soient dans l'obligation d'affecter la totalité des revenus de leur capital, après consolidation des réserves, à la réduction des primes.

3. Les institutions publiques et privées de notre pays qui gèrent des avoirs sont, pour la plupart, soumises à une autorité de surveillance. C'est le cas en particulier des caisses de pension, des entreprises d'assurance et des caisses de compensation de l'AVS. Le coût de cette surveillance est financé par l'institution surveillée. Autrement dit, c'est le surveillé, et non le contribuable, qui paie le surveillant. Sauf? Sauf dans un cas, celui de l'assurance-maladie obligatoire.  Une division de l'OFSP est spécialement chargée de surveiller la gouvernance, la gestion des risques et les placements des capitaux des assureurs-maladie obligatoires. Mais cette fois, c'est le budget de la Confédération, et donc le contribuable, qui finance ces activités. Cherchez l'erreur. 

4. Les données statistiques qui permettent à l'OFSP de suivre l'évolution des coûts de la santé sont fournies en partie par une société privée, SASIS SA, dont le propriétaire est l'association d'assureurs-maladie santésuisse. Et, cerise sur le gâteau, contre une rémunération de quelque 240'000 francs par année.

Nous avons déposé ensemble deux motions à ce sujet le 17 juin 2021 déjà. La première demande que les assureurs-maladie fournissent à l'OFSP «de manière exacte, complète et gratuite» toutes les données (sans exception!) dont il a besoin pour le suivi des coûts de la santé, la surveillance de l'assurance-maladie obligatoire et le calcul des primes. La seconde demande que le contrat conclu avec SASIS SA soit résilié. Au vu de son rôle central, l'OFSP doit être au-dessus de tout soupçon de partialité et de dépendance face aux différents acteurs du domaine de la santé. Il doit aussi de prémunir contre tout conflit d'intérêts compte tenu de ses tâches en matière de contrôle des assureurs-maladie obligatoires.

Comme de bien entendu, le Conseil fédéral s'oppose à ces deux motions. Certes, il se réserve le droit d'agir «ultérieurement» mais «en l'état actuel, il n'est pas souhaitable de résilier le contrat avec l'entreprise SASIS SA», jugé «utile et efficace». Pourquoi ultérieurement? Pourquoi pas maintenant alors que la maison brûle? That is the question.

Le Conseil national débattra des deux motions le 13 juin prochain. Le sort qui leur sera réservé permettra de mesurer le degré d'importance accordée à la transparence dans le domaine de l'assurance-maladie obligatoire. 

Vincent Maitre, conseiller national Le Centre Genève
Olivier Feller, conseiller national PLR Vaud

Article publié dans Le Temps du 12 juin 2023