Face à la crise financière, la rhétorique européenne est pour le moins spécieuse. D’où vient cette crise? Des Etats-Unis. De la faute à qui? A une dérive bancaire, baptisée "subprimes", qui a été développée là-bas par des financiers avides, relayés par nombre de leurs congénères à travers le monde, Europe et Suisse compris.
Ces "subprimes" ne sont rien d’autre qu’un endettement hypothécaire inconsidéré des ménages, encouragé par les banques prêteuses. Dans l’abécédaire de ses propositions d’avant l’élection présidentielle 2007, Nicolas Sarkozy philosophait encore: "Une économie qui ne s’endette pas suffisamment, disait-il, c’est une économie qui ne croit pas en l’avenir, qui a peur du lendemain. C’est pour cette raison que je souhaite développer le crédit hypothécaire pour les ménages (…) Si le recours à l’hypothèque était plus facile, les banques se focaliseraient moins sur la capacité personnelle de remboursement de l’emprunteur…"
Aujourd’hui le discours a bien changé. Président en exercice de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy a profité du récent sommet des plus grands pays européens, à Paris, pour réitérer les propos déjà tenus à d’autres occasions: "Il faut que les dirigeants qui ont failli soient sanctionnés."
Il serait effectivement salutaire que les responsables de cette débâcle qui menace désormais toute l’économie mondiale ne puissent pas jouir tranquillement des bénéfices de leurs méfaits. Mais que fait l’Europe? Prend-elle des sanctions contre les Etats-Unis? Bien sûr que non. On ne s’en prend pas impunément à ce qui reste, du moins encore aujourd’hui, la première puissance économique mondiale. Si la Chine peut se royaumer au Tibet et la Russie en Géorgie, on voit mal comment Nicolas Sarkozy pourrait punir son ami George Bush ou les amis de son ami, les financiers américains à l’origine du séisme.
Les pays européens pourraient au moins prendre les sanctions dont ils parlent tant depuis des semaines contre les dirigeants de leurs propres établissements bancaires qui ont participé aux "subprimes". Mais si le gouvernement français conserve le temps, en pleine crise mondiale, de lancer une réforme du baccalauréat ou du système national de santé, il n’a pas encore pu s’occuper des châtiments annoncés. Les sanctions restent, pour l’heure, un coup de menton dans les discours.
Comme il faut bien, quand même, faire quelque chose et dénicher un bouc émissaire en cette période de délicatesse avec l’opinion, les dirigeants européens ont trouvé une idée. D’abord on change de sujet. On passe de la crise financière au domaine fiscal et on s’en prend à la Suisse en la menaçant de la mettre sur la liste noire des paradis fiscaux. Pour nos grands voisins, la crise aurait alors le mérite de régler son compte à un concurrent trop attractif à leurs yeux pour leurs entreprises et leurs citoyens. Même si certains ministres allemands se croient encore au temps de Bismarck, la Suisse n’a aucune raison de céder à ces manœuvres d’intimidation. C’est inadmissible et hors sujet.
A propos, le Tour de France 2009 partira de Monaco. Vous avez dit paradis fiscal?
Olivier Feller
Député radical au Grand Conseil vaudois
Article publié dans Le Temps du 30 octobre 2008