Le peuple a dit non, à Lausanne comme au niveau cantonal: le Musée des Beaux-Arts ne se fera donc pas à Bellerive. La campagne pour le oui n’a pourtant manqué ni de moyens financiers, ni de soutiens officiels ni de relais médiatiques. Je le constate d’autant plus volontiers que j’ai moi-même voté oui au projet.
Il y a cependant un enseignement important à tirer de cet échec. Celles et ceux qui veulent réaliser de grands projets doivent impliquer les populations concernées dès les premiers pas de leur élaboration. La participation, la consultation ne doivent pas servir à l’emballage final d’un paquet présenté comme un cadeau des élites éclairées, à prendre ou à laisser. On n’implante plus un édifice, fut-il jugé beau, utile, prestigieux par ses concepteurs, comme Louis XIV le faisait à Versailles.
Gouverner, c’est d’abord et surtout être à l’écoute. Avant de prendre une décision et non après. Dans la gestion du dossier du Musée des Beaux-Arts, ce principe de précaution n’a guère été appliqué par les services culturels de l’Etat. Au contraire, ceux-ci ont fait preuve dans cette affaire d’un autisme tenace. La consultation préalable ne vaut pas seulement pour les projets artistiques mais pour tous les chantiers qui visent à moderniser la cité - certains préfèrent le mot "métamorphose" - ou à réformer la société.
En matière d’urbanisme comme pour le reste, c’est à la population de dire ce qu’elle veut et où elle le veut, à charge ensuite pour les autorités et les experts de répondre au mieux aux attentes exprimées. C’est malheureusement l’inverse qui se pratique le plus souvent. L’autorité dicte ses choix et se bat ensuite pour les faire accepter par les citoyens, sous prétexte qu’avec ces gens-là on ne ferait jamais rien si on les consultait d’abord.
La réalité est toute autre. On ne peut pas répondre efficacement et de manière convaincante aux questions qu’on entend d’une oreille distraite, indifférente, pour ne pas dire hostile. Avec le Musée des Beaux-Arts, on a voulu forcer la décision. On n’a pas écouté les arguments de ceux qui veulent conserver l’équilibre de Lausanne et de ses différents quartiers, qui veulent un centre ville attractif, qui ne comprennent pas cette volonté de faire basculer la capitale vaudoise sur les bords du lac. Résultat? Il faut aujourd’hui tout recommencer après une bataille qui a figé les fronts, raidi les positions, exacerbé les tensions. On a perdu du temps, de l’énergie, de l’argent, en voulant faire le bonheur du peuple malgré lui.
En écrivant cela, je pense au témoignage incisif de Bernard Kouchner, dans Le premier qui dit la vérité: "Ne jamais prendre de décision sans consulter, sans engager les gens, écrivait-il en commentant les déboires du gouvernement Jospin. (…) Les partis n’ont pas l’apanage de la politique. La société civile, les associations comptent autant. Il faut les impliquer." Encore faut-il le faire à temps.
Olivier Feller
Député radical au Grand Conseil
Article publié dans 24 heures du vendredi 12 décembre 2008