«Un Président ne devrait pas dire ça»… Le récent livre de confidences de François Hollande à deux journalistes du «Monde» a sans doute achevé de ruiner ses chances de passer un jour pour un véritable homme d'Etat. Il y a mieux à faire, quand on est président et que son pays est en crise majeure, que de passer son temps à multiplier les petites phrases venimeuses contre ses amis et ses alliés politiques, à se moquer des footballeurs et des magistrats tout en faisant semblant publiquement de les admirer ou à révéler des secrets défense. Ces incongruités n'ont pas manqué de provoquer de nombreux remous dans l'opinion et jusqu'au sein de son propre gouvernement. Mais il y a encore autre chose qui n'a – étonnamment – guère retenu l'attention dans les confidences de François Hollande et qui n'est pas moins grave.
«Nous pouvons l'écrire ici, affirment Gérard Davet et Fabrice Lhomme, durant tout le quinquennat, les autorités françaises ont en effet présenté des prévisions de déficit sciemment faussées, et ce avec l'assentiment… des autorités européennes elles-mêmes!» Pardon? Oui, vous avez bien lu. Le traficotage des comptes publics, qui fut si vivement condamné par l'Union européenne quand on le pratiquait à Athènes, a été la règle à Paris au cours de ces dernières années avec les encouragements de Bruxelles. Comment cela s'est-il passé?
François Hollande avait promis de réduire dès 2013 le déficit annuel de la France à 3% du PIB et cette promesse – non tenue, faut-il le préciser? – a été réitérée année après année. Ce seuil des 3% de déficit ne vient pas de nulle part. C'est l'une des règles d'or budgétaires inscrites dans les traités européens. C'est une obligation pour les membres de la zone euro. Des sanctions sont même prévues pour les pays qui ne s'y conforment pas. Mais elles ne sont jamais appliquées. On sait maintenant pourquoi.
Les aveux de François Hollande
Premier aveu de François Hollande: «On savait qu'on ne serait pas à 3%, mais si on l'avait dit dès le départ, on aurait été jugés comme n'étant pas sérieux». Parce qu'évidement avec François à l'Elysée, c'est du sérieux!
Deuxième aveu: «Comme la Commission européenne est faible (il s'agit de la Commission Barroso qualifiée ailleurs de «Commission fantoche, ou fantôme, ou virtuelle»), on a été jusqu'au bout de ce qu'on pouvait arracher: un délai de deux ans, et une certaine bienveillance sur les chiffres qu'on a présentés.»
Troisième aveu: En vérité, Bruxelles sait «très bien qu'on n'atteindra pas 3% en 2015! Mais ils disent: Nous vous demandons, nous vous prions d'afficher 3%, pour qu'il n'y ait pas des demandes qui viennent d'autres pays et qui finissent par affecter la zone euro.» Bruxelles a donc sciemment demandé à Paris d'afficher 3% en lui garantissant que la France ne serait pas blâmée si elle ne tenait pas ses engagements. Hollande parle clairement d'un «contrat secret» dans ce sens entre son ministre des Finances, Michel Sapin, et la Commission Barroso.
La mascarade ne s'arrête pas là
La mascarade ne s'est pas arrêtée là. La France a obtenu un nouveau délai jusqu'en 2017 pour se conformer aux traités. Cette fois, c'est la Commission Juncker et son commissaire aux Affaires économiques et financières, un certain Moscovici, qui ont volontairement fermé les yeux. Pourquoi tant de complaisance à l'égard de Paris? Hollande a sa petite explication: «Sanctionner la France, c'est compliqué […], c'est le privilège des grands pays […], on a quand même une armée, une force de dissuasion, une diplomatie… ça, ça se paie. Il y a un prix, qui doit être acquitté, à la puissance politique, diplomatique, militaire.»
Barroso peut aller se pavaner tranquillement chez Goldman Sachs, c'est dans l'ordre des valeurs que l'on pratique à Bruxelles: le mensonge. Le mensonge, pour la bonne cause bien sûr. En veine de confidences à tout va, Hollande en vient même à se plaindre du discrédit dans lequel est tombé le pouvoir: «On considère que le pouvoir, quel qu'il soit, n'est pas sincère», gémit-il en 2014. Comment peut-il en être autrement quand le mensonge est permanent et cyniquement assumé? Et que l'on fait des discours à n'en plus finir sur l'Etat de droit et sur les règles à respecter en Europe pour mieux s'asseoir dessus dans les coulisses. Et pratiquer en fait, avec ces chers amis européens, le droit du plus fort, qui n'est que le mépris le plus crasse du principe d'égalité. Avec de tels comportements, comment peut-on encore s'étonner de la montée des populismes?
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans Le Temps du 1er décembre 2016