Le populisme qui monte en Europe et ailleurs n'est qu'un symptôme. C'est l'expression politique, pour ne pas dire l'exploitation grossière, d'un mécontentement populaire qui ne trouve pas d'autre soupape, d'autre moyen de s'évacuer. Mais si l'on veut combattre le populisme, rien ne sert de lui intenter chaque jour un procès en sorcellerie. Il faut d'abord reconnaître le mécontentement populaire et s'intéresser à ses causes.
La vérité, c'est que les motifs d'exaspération de la population ne manquent pas. Il y a d'abord le comportement de certaines élites politiques, davantage portées à occuper les postes et à se remplir les poches, qu'à tenter de résoudre les problèmes de leurs concitoyens. Le sommet atteint dans ce domaine en France voisine, de l'affaire Cahuzac à l'affaire Fillon, illustre un mal profond auquel la Suisse a réussi à échapper. En revanche, nous n'échappons pas, malgré l'adoption de l'initiative Minder, aux rémunérations abusives et autres bonus dont les dirigeants de quelques grandes multinationales croient pouvoir gratifier leurs talents supposés. Il paraît que sans de telles largesses ces grandes entreprises ne pourraient recruter que des minables pour les diriger. On ose imaginer le désastre quand on voit les résultats que les tenants des grandes écoles de management parviennent à obtenir entre délocalisations, licenciements, restructurations et ventes à quelques entreprises de l'Etat chinois.
Qu'il y ait des riches, des moins riches et des plus pauvres, ce n'est pas ce qui choque l'opinion. Ce qui la heurte, c'est l'augmentation progressive des écarts, qui risque de menacer la cohésion sociale. Il y a aussi le ras-le-bol des habitants de territoires périphériques délaissés par rapport aux grands centres urbains. Cela saute aux yeux notamment en Italie et en France. Mais même dans un petit pays comme le nôtre, la récente réaction de la population de la Chaux-de-Fonds est un signal d'alerte à cet égard.
De son côté, la classe moyenne dit de plus en plus fort qu'elle en a assez de payer pour tout le monde. Le poids des prélèvements obligatoires, impôts, taxes et autres primes d'assurance, est d'autant moins accepté que les signes de blocage se multiplient. L'impression qu'on vit moins bien que ses parents n'est pas seulement une histoire qu'on se raconte. Il est effectivement plus difficile de trouver un job à la sortie de ses études, aussi longues soient-elles. Il est plus difficile de faire des économies, plus difficile de faire fructifier son épargne. Avant, ce n'était certes pas tous les jours dimanche, mais au moins on pouvait dire chaque année « ça va mieux » et c'était vrai.
Autre dilemme : de nombreux clignotants montrent que notre société se dégrade. Malgré les importants projets d'investissements que la Confédération et les cantons ont récemment réussi à faire aboutir, les infrastructures sont aujourd'hui encore trop souvent saturées. Les prestations des services publics diminuent mais pas leur prix (bonjour La Poste et quelques autres !), la qualité des produits pose problème malgré les étiquettes, il ne se passe bientôt plus un mois sans qu'éclate un scandale alimentaire.
Lutter contre le populisme, c'est donc lutter en priorité contre les causes des mécontentements. La tâche n'a pas le côté magique des incantations contre les populistes. Il faut se coltiner les réalités, se battre contre les chimères faciles à vendre. Mais c'est possible. En Suisse plus qu'ailleurs. Aussi réelle qu'elle soit, l'insatisfaction y est moins prononcée qu'ailleurs, grâce à la taille du pays, grâce à un niveau de vie et de bien-être élevé en comparaison européenne. Grâce surtout à notre démocratie directe qui permet aux citoyens d'envoyer des messages aux autorités, quand ils le souhaitent, sur les sujets de leur choix. Et même si tout n'est pas parfait dans la manière dont le message est enregistré, il est impossible de l'ignorer. Immigration étrangère ou RIE III, ce n'est pas un sondage, mais le verdict des urnes.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans Le Temps le 15 mars 2017