Protection du paysage et densification sont des objectifs difficiles à concilier. 24 heures en a encore donné un exemple récent, le 23 décembre dernier, à propos de la construction de nouveaux immeubles dans un quartier lausannois. Comme l'écrivait le journal, quelle que soit l'issue du dossier, certains opposants aimeraient faire réfléchir autour de la densification : « Si les immeubles se font, tant pis pour notre quartier, mais ça illustrera les ambiguïtés de la LAT. Les gens ont voté pour préserver des paysages mais la sauvegarde des espaces urbains est trop peu prise en compte. Ici nous allons perdre un dégagement, une vue, de la lumière et de nombreux arbres. »
Ces propos montrent bien le problème que nous avions identifié, en 2014 déjà, dans le magazine Bâtir : « La densification se heurte à de nombreuses résistances de la population. Ces mouvements visent, eux aussi, à leur échelle, à protéger un paysage, un environnement local. Ils ne sont a priori pas illégitimes même s'ils peuvent, évidemment, freiner des projets.»
En fait, pour préserver les paysages dans les campagnes sans bloquer le développement économique et démographique, il faut densifier dans les zones urbaines. C'est la logique de la LAT. Mais si les citoyens ont voté oui à la LAT pour conserver des paysages, c'est dans la même logique qu'ils s'opposent à des projets de densification dans leur ville.
Ce constat ne fait que renforcer notre opposition au droit d'emption légal que certains veulent introduire dans le projet de révision de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC) qui sera bientôt débattu au Grand Conseil. Quand nous disons « certains », il s'agit d'une courte majorité de la commission parlementaire chargée du dossier, discrètement soutenue par le Service cantonal du développement territorial.
Ce droit d'emption permettrait aux communes d'imposer au propriétaire d'un terrain en zone à bâtir l'obligation de construire dans un délai donné. S'il ne s'exécute pas, son terrain deviendrait alors propriété publique. Il s'agirait d'une atteinte inadmissible au droit de la propriété, d'autant plus que d'autres voies, plus proportionnées, existent pour mettre en œuvre les exigences de la LAT. Le Tribunal fédéral l'a précisé dans un arrêt du 5 juillet 2017. Et le canton de Berne l'a démontré en prévoyant de simples mesures fiscales pour inciter les propriétaires de terrains en zone à bâtir à construire.
Le droit d'emption aurait d'autres conséquences. Il permettrait aux pouvoirs publics d'imposer encore plus facilement des projets de construction à des quartiers. Alors que de nombreux parcs urbains que nous apprécions tous les jours résultent de la volonté de leurs anciens propriétaires de ne pas construire…
Olivier Feller
Directeur de la CVI, conseiller national PLR Vaud
Article publié dans 24 heures le 15 janvier 2018