Le Conseil fédéral propose de supprimer l’impôt sur la valeur locative. C’est une heureuse initiative. Car cet impôt frappe un revenu qui n’existe pas. Aujourd’hui, les contribuables qui sont propriétaires du logement dans lequel ils vivent paient un impôt sur un revenu fictif. L’estimation de la valeur locative de leur logement vient s’ajouter à leur déclaration fiscale alors qu’ils ne touchent pas la somme correspondante.
Cette aberration a des effets pervers. Elle pose de sérieux problèmes financiers à de nombreux retraités, dont les revenus baissent avec la fin de leur activité professionnelle, et qui ont remboursé leurs dettes hypothécaires. En plus de l’impôt sur la fortune et de l’impôt foncier, ils doivent s’acquitter d’un impôt sur un revenu fantôme… Les contribuables modestes rencontrent les mêmes difficultés quand ils héritent d’un logement libre de dettes hypothécaires.
Le système actuel encourage les propriétaires à s’endetter ou à rester endettés pour que les déductions liées aux intérêts de leur emprunt viennent compenser le revenu fictif de la valeur locative. C’est malsain sur le plan économique. Des sommes considérables, estimées à plusieurs centaines de milliards, qui pourraient être utilisées ailleurs et autrement, sont inutilement bloquées. Sous cet angle, la proposition du Conseil fédéral est pertinente.
Le projet favorise aussi l’accession à la propriété des jeunes générations dès lors qu’il maintient la possibilité de déduire les intérêts hypothécaires liés à l’acquisition d’un premier logement. L’encouragement de l’accession à la propriété est un objectif ancré dans la Constitution fédérale sans que des mesures concrètes aient vraiment suivi. L’état des lieux s’en ressent.
La Suisse compte environ 38% de propriétaires de leur logement (32% dans le canton de Vaud). C’est le taux le plus faible de tous les pays européens: 43% en Allemagne, 55% en France, 68% en Grande-Bretagne et même 82% en Espagne. Le désir de devenir propriétaire serait-il plus faible dans notre pays? Pas du tout. Plus de 50% des locataires vaudois ont envie de devenir propriétaires, selon un sondage effectué en janvier dernier auprès d’un échantillon représentatif. Le projet du Conseil fédéral devrait répondre à cette aspiration légitime.
Tout va cependant dépendre des modalités d’application qui seront soumises à consultation en novembre 2009. Si l’on veut que la réforme ait un impact, il faudra veiller à ne pas reprendre d’une main ce que l’on aura donné de l’autre. Un exemple. Les déductions actuelles liées à l’entretien des immeubles et aux rénovations énergétiques incitent les propriétaires à financer de tels travaux. Elles ont aussi pour retombées de soutenir les entreprises de construction et les emplois qu’elles génèrent. La suppression de l’impôt sur la valeur locative ne doit donc pas déboucher sur l’abolition de toutes les déductions admises aujourd’hui. Seule une analyse fine et approfondie des modalités d’application du projet, sous l’angle politique, économique et social, permettra de savoir si la réforme est susceptible de tenir ses promesses.
Olivier Feller
Directeur de la Chambre vaudoise immobilière
Député radical
Article publié dans 24 heures du 26 juin 2009