Non, le Tribunal des baux ne va pas devenir l’instrument d’une justice de classe. La réforme soumise au Grand Conseil introduit uniquement le paiement d’un modeste émolument par le propriétaire ou le locataire qui perd son procès. Ce n’est plus la gratuité totale et automatique. Et c’est juste.
Dans la situation actuelle, ce sont les contribuables qui paient toutes les charges du Tribunal des baux, même lorsqu’un propriétaire ou un locataire recourt à tort à la justice. Cela ne tient pas. On ne voit pas pourquoi le contribuable devrait assumer seul les frais d’un procès résultant du comportement indélicat d’un propriétaire ou d’un locataire. Le canton de Vaud est d’ailleurs le seul, avec Genève, à garantir aujourd’hui la gratuité totale des procédures judiciaires en matière de bail à loyer. Cette singularité ne se justifie pas.
Les recours au Tribunal des baux resteront cependant accessibles à tous les locataires, même les moins fortunés. L’exemple donné dans ces colonnes (24 heures du 10 novembre) par Nicole Wiebach et Anne Baehler Bech, vraisemblablement dans le but de faire peur, n’a aucun fondement.
1. La dame âgée qui loue un logement et qui veut contester une décision prise par son propriétaire devra, comme aujourd’hui, d’abord saisir la commission de conciliation. Cette démarche restera gratuite.
2. Si la tentative de conciliation n’aboutit pas, notre dame âgée pourra, comme aujourd’hui, saisir le Tribunal des baux. Si son revenu est faible, le juge renoncera à requérir des avances de frais.
3. Si notre dame âgée obtient gain de cause devant le Tribunal, elle n’aura, comme aujourd’hui, rien à payer.
C’est seulement si elle perd son procès qu’elle devra s’acquitter d’un émolument. Mais le montant articulé dans l’article de Nicole Wiebach et Anne Baehler Bech est particulièrement fantaisiste. Car l’émolument ne pourra pas dépasser la moitié du tarif ordinaire appliqué par la justice dans le cadre des procédures civiles. C’est le montant maximum possible, que le Tribunal des baux réduira en fonction de la situation financière du recourant. Et dans l’hypothèse où, tout compte fait, notre dame âgée n’aurait pas les moyens de payer, elle bénéficiera de l’assistance judiciaire aux mêmes conditions que tout autre justiciable.
Autrement dit, la réforme envisagée vise seulement à éviter les recours abusifs et dilatoires. Les propriétaires et les locataires qui sont dans leurs droits continueront d’être protégés. Comme aujourd’hui, ils bénéficieront de la gratuité du Tribunal des baux. Celui qui devra payer un émolument, au demeurant modeste, c’est le propriétaire ou le locataire qui est dans son tort et qui en a les moyens. Le locataire ou le propriétaire qui est dans son bon droit n’aura rien à payer, pas plus qu’aujourd’hui. Et le locataire qui a tort mais dont les moyens sont modestes ne paiera rien non plus. Il n’y a donc rien d’antisocial dans la réforme proposée. C’est simplement le juste prix de la justice.
Olivier Feller
Directeur de la Chambre vaudoise immobilière
Député radical
Article publié dans 24 heures du mardi 17 novembre 2009