Chers aînés,
On n'a, je crois, jamais autant parlé de vous depuis l'apparition de ce fichu coronavirus. Vous êtes du jour au lendemain devenus «les plus vulnérables». Pas une seule déclaration de scientifiques ou de gouvernants, pas d'informations sur l'épidémie sans qu'on vous rappelle les risques de votre état. Comme si vous n'étiez pas les premiers à savoir, malheureusement, que l'âge rend de toute façon plus vulnérable à toutes les formes de maladie ou de crise.
Je comprends bien les bonnes intentions de toutes celles et de tous ceux qui vous ont appelés, jour après jour, à rester chez vous ou vous ont privés de visites dans les EMS. C'était pour vous protéger, pour éviter que l'épidémie ne vous emporte. Loin de moi de jeter la pierre, en ces temps de crise, à toutes celles et à tous ceux qui essaient de la gérer dans l'intérêt public, tout en tenant compte, dans la mesure du possible, des intérêts de chacune et de chacun d'entre nous. Vous avez dû d'ailleurs constater que la société qui vous entoure - votre famille, vos proches, vos voisins, vos soignants, selon les cas - se sont mobilisés pour vous aider, pour rester en contact avec vous, pour faire vos courses, pour prendre soin de vous, aux sens propre et figuré.
Un nombre important d'entre vous, parfois mieux rompu qu'on ne le croit aux nouvelles technologies, ont pu conserver un contact virtuel avec le monde, la famille et les amis, échanger les blagues et les vidéos qui ont explosé sur la toile - ça fait du bien de rire quand même! -, «voir» les petits-enfants par écran interposé, et même parfois les aider à faire l'école à distance. Bien sûr, ce n'est pas du tout la même chose que de se rencontrer physiquement, de partager des repas autour de la même table, mais ça fait quand même chaud au cœur.
Lettre publiée dans le Quotidien de la Côte le 11 mai 2020
Ce que je voulais dire avec mon introduction, c'est que je souhaite que cet élan de protection à l'égard d'un «bien» précieux, devenu «vulnérable», c'est que nos aînés prennent un peu plus de place qu'avant dans le monde d'après. On ne peut pas – on ne doit pas – réduire quelqu'un à son âge. On ne doit pas, comme trop souvent, mettre nos aînés dans un ghetto psychologique. On devrait aimer les aînés comme on aime les vieux amis, les vieux vins, le bon vieux temps de notre enfance. Ce sont nos relations à l'autre, avec les autres, qui donne son vrai sens à la vie.
J'ai moi-même une grand-tante, Hélène, qui vit dans un EMS de la Côte. En la remerciant ici de tous les moments de bonheur que j'ai passés avec elle dans ma vie, c'est à vous toutes et tous que j'adresse mes meilleurs vœux pour demain.
Olivier Feller
Conseiller national
Lettre publiée dans le Quotidien de la Côte le 11 mai 2020