En Suisse, les denrées alimentaires et les boissons sans alcool achetées dans un magasin ou une station-service sont actuellement soumises à un taux de TVA réduit à 2.4%. Consommés au restaurant, les mêmes produits sont taxés à un taux de 7.6%. Plus de trois fois davantage. Les milieux de l'hôtellerie-restauration ont récemment lancé une initiative populaire visant à supprimer cette inégalité de traitement.
L'écart entre ces deux taux de TVA va encore augmenter le 1er janvier 2011. A cette date, la TVA applicable à la restauration va passer à 8% (+0.4%) alors que le taux réduit dont bénéficient les magasins d'alimentation et les points de vente à l’emporter va passer à 2.5% (+0.1%).
Cette inégalité de traitement repose sur une vision dépassée de notre société. Elle part du principe que les produits d'alimentation achetés en magasin sont de première nécessité et qu’ils doivent donc être faiblement taxés. Pourquoi pas. C'est quand on passe à la deuxième partie du raisonnement qu'il fait fausse route. Car les mêmes produits se retrouvent taxés comme des denrées de luxe s’ils sont consommés au restaurant.
Cette manière de voir remonte au temps où la plupart des Suisses travaillaient encore près de chez eux et pouvaient rentrer "à la maison" pour prendre leur repas de midi. Or la distance de plus en plus grande et de plus en plus fréquente entre travail et domicile a non seulement fait exploser le nombre des "pendulaires" mais également bouleversé les comportements alimentaires. Aujourd'hui, la majorité des actifs prennent leur repas de midi en dehors de chez eux par nécessité, et non par goût du luxe.
L'hôtellerie-restauration est l’une des principales branches de notre économie. Le tourisme constitue, avec la chimie, la métallurgie et l'horlogerie, l'un des piliers de notre industrie "d'exportation". C'est une branche fortement créatrice d'emplois et de places d'apprentissage. Elle pèse plus de 130'000 emplois à plein temps.
Or les prix sont un facteur essentiel de compétitivité dans l'hôtellerie-restauration, au même titre que la qualité de l'accueil ou de ce qu'il y a dans l'assiette. C'est pourquoi le taux de TVA lié aux denrées alimentaires et aux boissons sans alcool doit être le même partout en Suisse. Mais il doit aussi être concurrentiel par rapport à l'étranger. Alors que le taux de la TVA appliqué à la restauration n'est plus que de 5.5% en France, il sera de 8% l'an prochain dans notre pays. Ce n'est pas vraiment la meilleure manière de soutenir le tourisme suisse.
Le Conseil fédéral aurait pu éviter l'initiative lancée par les milieux de l'hôtellerie-restauration. En 2004, un conseiller aux Etats avait déjà demandé que le taux réduit de TVA à 2.4% s'applique aussi aux restaurants. Le Conseil fédéral avait alors fait semblant d'être d'accord en proposant au Parlement d'accepter sa motion. Mais six ans plus tard rien n'a changé. Cela s'appelle prendre les gens pour des imbéciles.
Olivier Feller
Député radical
Article publié dans 24 heures du mardi 7 décembre 2010