Mettre à bas notre agriculture et notre sécurité alimentaire, voilà «les effets dramatiques» – la formule est du Conseil fédéral – que provoqueraient les deux initiatives soumises au scrutin populaire le 13 juin. Il suffit de retenir trois des mesures envisagées pour s'en rendre compte.
1. Les agriculteurs devraient limiter leur élevage aux animaux qu'ils peuvent nourrir avec les seuls produits de leur exploitation. Un paysan de Moudon ne pourrait même plus s'approvisionner auprès d'un collègue d'Avenches ou de Payerne. Alors que l'Allemagne, par exemple, a multiplié les fermes-usines, ce qui lui a notamment permis de devenir le premier producteur européen de viande de porc. Comment ces animaux sont-ils nourris? Et dans quelles conditions?
2. Les agriculteurs se verraient interdire l'utilisation de tout produit phytosanitaire, de synthèse ou naturel, à moins de renoncer aux paiements directs, c'est-à-dire d'accepter la ruine. Imposée brutalement, cette mesure aurait pour conséquence de réduire notre production agricole et de mettre en péril notre sécurité alimentaire, déjà limite. Il faudrait accroître nos importations alimentaires – deviendraient-elles subitement écologiques? – alors que la population devrait subir une augmentation des prix. Le tourisme d'achat déjà très attractif dans les zones frontalières s'en trouverait renforcé. Magnifique.
3. L'importation d'aliments non bios serait en outre interdite. Mesure quasi impossible à appliquer sans être le gendarme du monde, et de toute façon contraire au droit de l'Organisation mondiale du commerce. La Suisse s'exposerait à des représailles visant nos exportations, vitales pour le pays. Nous n'avons aucun intérêt à contribuer à la guerre commerciale qu'on a tant reprochée, à raison, à un certain Donald Trump.
La protection de l'environnement nécessite certes de faire évoluer notre agriculture. Mais une transition durable n'est pas fondée sur le seul pilier de l'écologie. Les mesures à prendre doivent aussi être économiquement et socialement supportables. Ce n'est pas le cas des coups de hache proposés par les deux initiatives.
La transition durable est du reste engagée. L'agriculture bio et les ventes de ses produits progressent malgré des prix logiquement plus élevés. Le recours à des produits phytosanitaires, dont l'homologation est par ailleurs de plus en plus sévère, a diminué de 27% dans l'agriculture intégrée de 2008 à 2017. Et la protection de l'eau a encore été renforcée dans une loi acceptée par le parlement le 19 mars dernier.
C'est en accompagnant les mesures écologiques nécessaires de manière à maintenir le revenu paysan, qui est loin d'être égal à travail égal, que nous ferons preuve de solidarité à l'égard de celles et ceux qui nous nourrissent. Je voterai donc deux fois non en juin.
Article publié dans 24 heures du 25 mars 2021