Olaf Scholz, chancelier d'un pays déjà sonné par sa dépendance au gaz russe, n'a rien trouvé de mieux que d'être le premier dirigeant occidental à se rendre à Pékin depuis la pandémie du coronavirus. Pour «développer davantage» la coopération économique avec la Chine, dont le grand timonier Xi Jinping s'est fait confirmer sa grande vision dictatoriale par le 20ème congrès du parti communiste chinois.
A la fin du mois d'octobre, une autre information avait déjà de quoi surprendre. Le gouvernement allemand venait d'autoriser une entreprise chinoise à acquérir une part – inférieure à 25% – d'un terminal du port de Hambourg. Hambourg! Le premier port commercial d'Allemagne et le troisième d'Europe. Certes il y a eu le précédent du port du Pirée, en Grèce, ou de l'aéroport de Toulouse, en France. Mais on pouvait penser que la guerre en Ukraine avait servi de leçon. Il faut croire que non. Même dans une Allemagne démocratique qui s'est jusqu'ici toujours montrée solidaire.
Non seulement la première économie européenne ne semble plus avoir les moyens de financer seule ses infrastructures stratégiques, mais elle veut développer – ne faudrait-il pas dire aggraver? – sa dépendance à l'économie chinoise. Ah bien sûr, Olaf Scholz a récité l'épître aux égarés dont tous les dirigeants occidentaux ont jusqu'à présent tenté d'emballer leurs marchandages avec Pékin. Mais la Chine se f… complètement des discours sur les droits humains, dont elle sait bien qu'ils n'auront aucune suite.
Les Chinois vivent dans une société sans libertés, sauf celle de se taire, sous un régime de fer, protégé par un contrôle permanent des moindres faits et gestes du citoyen. Les habitants de Hong Kong ont appris à leurs dépens ce que valait le prétendu principe «un pays, deux systèmes». Et les Ouïghours sont victimes, comme les Tibétains avant eux, d'une assimilation forcée, à moins qu'ils ne préfèrent les rigueurs des camps.
Pékin ne respecte pas ses obligations internationales, même quand il s'agit d'informer l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, de l'apparition d'une épidémie. En 2003, la Chine a dissimulé pendant plusieurs mois l'émergence du virus du SRAS. Elle a récidivé avec le Covid. Lorsque les analyses effectuées après l'apparition des premiers malades à Wuhan ont révélé qu'il s'agissait d'un nouveau virus respiratoire, Pékin a alors édicté une directive éclairante. «Aucune institution ni individu, disait-elle, n'a le droit de publier ces résultats d'analyse». Il a fallu qu'un médecin de Wuhan viole cette interdiction à ses risques et périls pour que le monde apprenne ce qui le menaçait. Pendant les cent premiers jours de l'épidémie, 900 personnes, notamment des médecins et des journalistes, ont été arrêtés en Chine pour «propagation de rumeurs et troubles de l'ordre social»…
Xi Jinping, réélu pour un troisième mandat – du jamais vu depuis Mao – vient de promettre la réunification avec Taïwan, dans des termes particulièrement expressifs: «Nous œuvrerons avec la plus grande sincérité et les plus grands efforts pour une réunification pacifique, a-t-il martelé, mais nous ne renoncerons jamais au recours à la force». Personne ne peut donc exclure une guerre dans la région dès ces prochaines années. Les 23 millions de Taïwanais devront-ils subir demain le sort des Ukrainiens d'aujourd'hui? L'Europe devra-t-elle se retrouver une nouvelle fois démunie, par aveuglement et par faute de le produire chez elle, de tout ce que lui fournissent l'usine du monde et Taïwan? L'île convoitée par Pékin est en effet le champion mondial de la fabrication de puces et de micro-processeurs dont dépendent des pans entiers de notre société.
Alors quoi faire? L'Europe doit-elle renoncer à une grande partie du commerce international, pour le motif que les pays non démocratiques sont malheureusement plus nombreux que les autres? Le voudrait-elle qu'elle ne le pourrait pas. Mais elle n'est pas obligée d'en rajouter et de se mettre en état de dépendance à l'égard d'Etats hégémonistes, surtout dans tous les domaines qui lui permettraient d'assurer, en cas de crise majeure, la sécurité de son approvisionnement et sa propre survie.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans Le Temps du 9 novembre 2022