En matière ferroviaire, la Suisse romande va mal. La gare de Lausanne est devenue l'exemple emblématique de la gabegie actuelle. En 2018, la fin des travaux de son agrandissement était prévue en 2025, foi d'Office fédéral des transports. En 2021, le même OFT annonçait pourtant que la «mise en service échelonnée» de la nouvelle gare s'achèverait en 2032. Depuis quelques jours, on sait que de nombreux aspects du projet doivent être remaniés et que les travaux ne seront pas terminés avant 2037.
On peut toutefois douter de la fiabilité de ce nouveau délai, tant la crédibilité de l'OFT et des CFF est entamée dans cette affaire. Les remaniements envisagés nécessiteront la production de plus de 1'000 nouveaux plans, de rapports techniques complémentaires et de notes de calcul, toute la géométrie des voies et des quais de la gare devant être retravaillée. Si ce n'est pas une reprise à zéro du projet, ça y ressemble grandement… Rien n'indique donc que les travaux prendront effectivement fin en 2037.
L'abandon du projet Wako relève des mêmes ratés de gestion. Ce nouveau matériel roulant avec compensation de roulis devait notamment permettre de réduire le temps de parcours entre Lausanne et Berne et d'améliorer ainsi l'offre dans la région lémanique. Le 22 juin 2022, le Conseil fédéral se montrait confiant: malgré un léger retard, les études et les réalisations étaient à ses yeux «en bonne voie». Mais quelques jours plus tard, les CFF renonçaient publiquement à la technique Wako, pour cause d'entretien trop coûteux et d'inconfort pour les voyageurs.
Avec les retards qui frappent par ailleurs l'entretien du réseau ferroviaire en Suisse occidentale, les CFF risquent de devoir gérer un jour deux réseaux: l'un en Suisse alémanique, moderne et performant, l'autre en Suisse romande, plus lent et moins efficace. Charmante perspective pour la population et les entreprises de notre région. C'est la raison pour laquelle la Commission des transports du Conseil des Etats - sous l'impulsion d'Olivier Français - et celle du Conseil national ont déposé une motion acceptée par le Parlement en décembre 2022. Elle demande au Conseil fédéral de garantir dans les plus brefs délais, et dans les faits plutôt que dans les annonces, un axe ferroviaire Genève-St-Gall «équilibré, performant et attractif».
L'OFT pourrait y contribuer en créant des filiales régionales, dont une au moins en Suisse romande, au lieu de concentrer toutes ses ressources à Ittigen, où elle regroupe ses 300 collaboratrices et collaborateurs. Cela lui permettrait notamment de recruter plus facilement des spécialistes en Suisse romande et d'assurer une collaboration plus étroite, plus efficace, avec les acteurs locaux publics et privés. C'est le sens de la motion que j'ai déposée au Conseil national le 1er mars 2023.
Une filiale romande de l'OFT serait également très utile pour prendre sérieusement en main la question de la redondance de la ligne Lausanne-Genève, qui fait tant défaut quand les deux voies actuelles sont perturbées, à l'image des conséquences d'un malheureux «trou» à Tolochenaz! Certes, l'OFT semble à présent disposé à envisager la réalisation d'un nouveau tronçon souterrain à double voie entre Morges et Perroy à la place de bouts de troisième voie en surface. Mais peut-on vraiment lui faire confiance?
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans Tribune en mars 2023