Actualités  |  Mardi 30 avril 2024

Pas d’avenir sans politique industrielle

Les deux dernières aciéries suisses sont en grave difficulté. A Soleure, Stahl Gerlafingen va fermer l’une de ses deux lignes de production. Une centaine d’emplois sont menacés. A Lucerne, Swiss Steel doit augmenter son capital de 300 millions pour s’en sortir.

En décembre 2022 déjà, deux parlementaires alémaniques, un conseiller aux Etats socialiste et une conseillère nationale UDC, sont intervenus pour éviter cette crise. Ils ont déposé la même motion demandant au Conseil fédéral de prendre des mesures pour soutenir les entreprises qui produisent et recyclent le métal en Suisse. J’ai soutenu cette motion, acceptée en 2023 par une majorité du Conseil des Etats puis du Conseil national. Le Conseil fédéral est donc tenu de la mettre en œuvre. Mais le Secrétariat d’Etat à l’économie continue de faire comme s’il était la volonté populaire. Le 19h30 de la TV romande a répercuté sa position en ces termes le 3 avril dernier: «La Suisse renonce à de telles mesures car elles sont coûteuses et ne garantissent pas la compétitivité à long terme.» Autrement dit, nous avons raison contre le monde entier, y compris contre le Parlement!    

Tous les pays qui comptent ont une politique industrielle, de la Chine envahissante aux Etats-Unis qui se battent pour conserver leur leadership. Du côté de Washington, le libéralisme du marché est prôné dans les discours pour naïfs, mais largement contredit par l’avalanche de subventions et d’investissements dont bénéficient ses industries. Même l’Europe, qui a cru longtemps aux vertus du laisser-aller par rapport aux délocalisations et au mirage des marchés asiatiques, s’est réveillée. Elle protège désormais ses restes de la concurrence étrangère, dont notre pays fait malheureusement partie.

La Suisse, elle, reste attentiste, comme si la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine n’avaient pas montré notre fragilité d’approvisionnement dans plusieurs secteurs.      

Les pays étrangers ont massivement soutenu leurs aciéries à la suite de l’explosion des prix de l’énergie. Pas la Suisse. Au bilan final, qui va payer les coûts de la passivité fédérale? Les coûts sociaux liés à la perte des emplois. Les coûts économiques liés à la perte d’un savoir-faire et de notre approvisionnement intérieur. Nos aciéries fournissent en effet de nombreuses entreprises qui devront aller chercher beaucoup plus loin, et à quel prix, des produits de substitution. Les coûts écologiques enfin, puisque l’aciérie soleuroise, par exemple, produit de l’acier à partir de déchets métalliques. Combien de camions va-t-il falloir pour évacuer ces déchets inutilisés dans je ne sais quelle décharge ou usine d’incinération? Qui va payer toutes ces factures? Personne?

L’économie de marché, oui. Mais le marché qui tue l’économie, non.  

Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud

Article publié dans 24 heures du 30 avril 2024