Intelligence artificielle, la formule est née aux Etats-Unis en 1956. Aujourd’hui, sa réalité est le moteur d’une nouvelle rupture technologique qui devrait changer le travail, l’économie et la société ces prochaines années. Comme toute invention, ce n’est pas forcément l’outil mais son usage qui fait problème. L’IA a déjà des usages positifs dans de nombreux domaines. Mais elle comporte aussi des risques importants et potentiellement graves de conséquences. Alors faut-il laisser aller?
C’est le sens de plusieurs de mes interventions au Conseil national. J’ai notamment demandé au Conseil fédéral, il y a près d’un an, s’il estimait avoir pris les mesures suffisantes pour parer aux risques. La réponse est malheureusement négative à ce jour. Le premier rapport - un rapport - sur les enjeux de l’intelligence artificielle ne devrait être publié que d’ici la fin de l’année… Alors que les choses sont en train de bouger.
En décembre 2023, le Parlement européen a adopté l’Artificiel Intelligence Act. Les Etats membres de l’UE doivent progressivement supprimer les systèmes d’IA interdits par la nouvelle réglementation. Selon une étude, 30 à 50% des applications de l’IA n’étaient pas conformes au moment de son adoption.
C’est également la ligne de la Convention sur l’intelligence artificielle adoptée par le Conseil des ministres du Conseil de l’Europe le 17 mai 2024. Cette convention vise à garantir le respect des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit en matière d’IA. La Suisse devrait la signer en septembre prochain. Mais son application concrète n’interviendra chez nous qu’à l’issue d’un long processus. Tout sera donc très lent alors que la technologie avance à toute vitesse.
L’IA repose sur des algorithmes, eux-mêmes alimentés par une accumulation de données. Mais cela n’implique pas que les données soient exactes ni que l’information qui en résulte soit correcte. Il est donc important que les méthodes utilisées et les résultats obtenus soient validés. En ce qui concerne l’intelligence artificielle de supermarché, c’est le brouillard le plus total.
Certains systèmes d’IA peuvent même constituer un risque de sécurité en tant que tels, sans aucune intervention humaine. D’autres favorisent les tentatives d’escroquerie ou sont autant de fabriques potentielles de tricheries, de fakenews qui menacent clairement nos démocraties.
La question se pose donc d’un moratoire, d’une interdiction au moins provisoire de certaines applications. Atteinte au libéralisme? Refus du progrès? Pas du tout. Les inventions ont de tout temps été accompagnées de considérations éthiques et de dispositions légales pour en limiter l’usage et les nuisances. Il n’y a aucune raison pour que l’intelligence artificielle soit au-dessus de l’humain ou de la loi.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans 24 heures le 26 août 2024