Le tabou est en train de tomber. Pour la première fois, le Conseil fédéral semble admettre que sept ministres, plus ou moins sages, ne peuvent plus gouverner correctement le pays. Jusqu'ici, tous les parlementaires qui ont proposé de faire passer de sept à neuf le nombre de conseillers fédéraux se sont heurtés au refus du collège gouvernemental. Le Conseil fédéral ne se donnait même pas la peine d'argumenter sérieusement: «Tout va très bien comme ça!», c'était le refrain.
C'est lors d’une récente conférence de presse que la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a eu le mérite de reconnaître la nécessité d’une réforme. «Nous avons constaté que la charge de travail a beaucoup augmenté ces dernières années, a-t-elle déclaré. Il y a désormais une forte dimension internationale dans le travail du Conseil fédéral. Augmenter le nombre des membres nous permettrait de mener à bien cette tâche.»
Pour répondre à cette surcharge de travail, certains envisagent de multiplier les postes de secrétaires d’Etat. Ce n’est pas la bonne voie. Les secrétaires d’Etat sont des hauts fonctionnaires, nommés et contrôlés par le Conseil fédéral. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un plus grand nombre de conseillers fédéraux, élus par le parlement et répondant directement de leurs actes devant celui-ci. Le poids des charges pourrait ainsi être mieux réparti.
Comment peut-on prétendre mener de front l'environnement, les transports, la communication, l'énergie et le développement territorial, alors qu'il faut régler des problèmes majeurs d'infrastructures et de sortie programmée du nucléaire? Cette réforme permettrait également de créer - enfin - un véritable Département de la formation et de la recherche, un domaine essentiel pour la compétitivité de la Suisse.
Le passage à neuf conseillers fédéraux permettrait aussi de répondre à l'évolution des forces politiques et à leur plus grande dispersion. Les écologistes pourraient accéder au gouvernement.
Nous pourrions restreindre ces querelles qui ressurgissent à chaque élection d’un conseiller fédéral pour savoir qui, du PS, de l'UDC, du PLR ou du PDC, a «droit» au siège vacant. Ces batailles de couloirs empoisonnent le climat quand nous avons surtout besoin de ministres choisis pour leurs compétences.
Avec neuf conseillers fédéraux, trois Latins - deux Romands et un Tessinois - devraient siéger en permanence au gouvernement. Ce qui mettrait fin, là aussi, au débat récurrent sur la représentation des minorités, en particulier des Tessinois, dont la Berne fédérale se soucie quand elle a le temps. Soit rarement, pour ne pas dire jamais, comme le soulignait le conseiller national Ignazio Cassis: «Nous avons compris que, sans cette réforme, il faudra attendre deux cents ans pour que le Tessin ait un conseiller fédéral.» J'espère seulement qu'il ne faudra pas attendre encore des années pour que le Conseil fédéral soit mis à neuf.
Olivier Feller
Conseiller national PLR
Article publié le 11 juin 2012 dans 24 heures