La Conférence suisse des impôts, qui est l’organisation faîtière des administrations fiscales cantonales, en collaboration avec l’Administration fédérale des contributions, a préparé un nouveau certificat de salaire pour l’ensemble de la Suisse. Ce document, censé s’appliquer de façon obligatoire dans tout le pays dès le 1er janvier 2005 après une période transitoire d’une année, doit remplacer l’ancien formulaire, qui date des années 1970, ainsi que divers certificats de travail cantonaux ou d’employeurs admis par les autorités fiscales de certains cantons.
La Conférence des impôts justifie la création de ce nouveau certificat de salaire par la mise en vigueur le 1er janvier 1993 de la loi fédérale sur les impôts directs des cantons et des communes (LHID). La détermination de l’assiette fiscale étant depuis lors uniformisée sur la plan suisse, les spécificités cantonales en matière de certificat de salaire n’ont plus de raison d’être. Dans le même esprit, l’accroissement de la mobilité des employés, qui fait que le domicile et le lieu de travail ne sont pas forcément situés dans le même canton, nécessite une standardisation. Les autorités fiscales veulent aussi prendre en compte la tendance croissante de l’économie à utiliser les prestations accessoires de salaires et les avantages sociaux («fringe benefits») comme instruments de politique salariale et de politique du personnel. Enfin, et bien que l’administration s’en défende, on perçoit assez clairement la volonté d’élargir l’assiette fiscale pour accroître les recettes de l’Etat.
La grande nouveauté figure aux rubriques 13 et 14 du projet. Ces deux rubriques exigent que l’employeur déclare l’ensemble des avantages accordés à l’employé. En clair, l’employeur sera tenu de récapituler toutes les prestations appréciables en argent perçues par l’employé dans le cadre de son contrat de travail.
C’est en lisant les prescriptions relatives à l’établissement du nouveau certificat de salaire que l’on discerne la portée de cette règle nouvelle. Ainsi, les allocations effectives pour frais devront comprendre notamment les déjeuners, dîners et soupers, les invitations de partenaires commerciaux au restaurant ou à domicile, les collations prises sur le trajet (par exemple le café et le croissant consommés dans le train!), les frais de téléphone, les pourboires et les frais de vaccination. S’agissant des prestations salariales accessoires, ce sont les avantages appréciables en argent qui sont fournis à des conditions avantageuses qui sont visés. On peut citer à titre d’exemple les bons de repas à tarif réduit, les abonnements à des centres de fitness, la prise en charge du coût d’une place de parc ou la mise à disposition d’une place gratuite, la participation aux primes des assurances privées et les crédits à taux préférentiels.
A noter qu’en cas de violation de ses devoirs qui découlent du nouveau certificat de travail, l’employeur risque d’être puni d’une amende salée (jusqu’à 10’000 frs), voire, en cas d’erreur préméditée, d’être inculpé de soustraction fiscale et de faux dans les titres.
Le nouveau certificat de salaire appelle une réaction de refus vigoureuse, dans le mesure où il s’agit d’une illustration inquiétante de l’étatisme qui se développe dans notre société et qui étouffe le goût d’entreprendre. Combien de fois ne s’offusque-t-on pas lors des débats politiques de la paperasse administrative qui submerge nos entreprises? Le projet tel que concocté en est le parfait reflet: il ne manquera pas d’engendrer des coûts supplémentaires et une surcharge administrative disproportionnée pour les employeurs, en particulier pour les PME, sans pour autant dégager des recettes nouvelles significatives pour les pouvoirs publics.
Heureusement, sous la pression notamment de l’Union suisse des arts et métiers ainsi que de parlementaires fédéraux radicaux, les autorités fiscales on accepté à la fin du mois de mai d’entrer en matière sur les revendications des PME. Elles se sont déclarées prêtes à corriger le projet sur le fond et à mieux l’adapter à la réalité vécue par les entreprises. Au stade actuel, on ne peut que souhaiter que ces bonnes intentions soient suivies d’effets tangibles.
Olivier Feller, député
(article paru dans la Nouvelle Revue de juin-juillet 2003)