Actualités  |  Jeudi 19 avril 2007

LAISSONS SOUFFLER NOTRE AGRICULTURE

Le léger frein aux bouleversements dans l’agriculture suisse, voté récemment par les Chambres fédérales, est une bonne chose. Aujourd’hui, six à huit exploitations agricoles disparaissent chaque jour. De 1996 à 2005, l’agriculture a perdu plus de 35’000 emplois. En 2005, le revenu agricole moyen a baissé d’environ 10%, et de 3% supplémentaires en 2006. Près d’un quart des agriculteurs vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Aucune autre profession n’a subi un tel traumatisme ces dernières années dans notre pays. C’est d’autant plus difficile à vivre que les efforts et les baisses de prix à la production exigés d’eux ne profitent guère aux consommateurs.

Une pause dans les réformes n’est donc pas excessive. Une réduction du nombre des exploitations est certes inévitable pour améliorer leur taille et leur rendement. Les agriculteurs eux-mêmes le savent. Mais l’évolution naturelle est en cours. Il n’est pas nécessaire de l’accélérer davantage comme le souhaite par exemple AvenirSuisse. Il ne faut pas désespérer les paysans. Même en moins grand nombre, notre pays a besoin d’eux.

Si l’on veut que l’agriculture suisse ne produise que les denrées qu’elle est capable de mettre sur le marché à des prix compétitifs par rapport à la concurrence étrangère, autant dire que l’on veut sa mort. Un exemple. Il y a cinquante ans, la presque totalité de la viande d’agneau consommée en Suisse était d’origine indigène. Plus de la moitié est aujourd’hui importée. Parce que les coûts de production sont jusqu’à 40% plus élevés qu’à l’étranger. A l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique et les effets du CO², il faut aussi rappeler que le transport par avion d’une botte d’asperges importée du Mexique nécessite 5 litres de pétrole contre 0.3 seulement pour les asperges suisses dont on peut disposer au printemps.

Le premier objectif de notre politique agricole est d’assurer la sécurité alimentaire du pays. Or les stocks pour nourrir la population mondiale n’atteignent même plus le seuil minimum de sécurité fixé à 70 jours. Et les prix des céréales ne cessent d’augmenter. Pareille situation est due à la stagnation de la production de céréales à travers le monde et à leur utilisation toujours plus importante pour la fabrication de biocarburants. La sécurité de l’approvisionnement alimentaire pourrait donc se poser plus rapidement que la question de l’approvisionnement énergétique. Et n’imaginons pas que nous sommes à l’abri. Le 1er août 2003, l’année de la grande canicule, la Commission européenne a dû stopper les exportations de céréales, de peur que l’Europe ne manque de grains…

Si l’agriculture est une valeur pour notre approvisionnement comme pour notre environnement, elle a aussi un prix.

Olivier Feller
Député radical au Grand Conseil vaudois

Article publié dans Terre & Nature du 19 avril 2007