Deux réformes sont urgentes en Suisse. La réforme de la fiscalité des entreprises pour préserver le dynamisme de notre économie et l'emploi. Et la réforme de l'AVS pour stopper la spirale de ses déficits de plus en plus inquiétants. Ces deux réformes ne peuvent plus attendre si l'on veut maintenir la prospérité de notre pays. Une solution semble enfin se profiler dans l'intérêt général.
La réforme de la fiscalité des entreprises vise à mettre un terme aux régimes spéciaux accordés aujourd'hui à quelque 24'000 sociétés. Ces régimes spéciaux, contestés sur le plan international, portent préjudice à l'image de la Suisse. Il s'agit aussi d'offrir aux entreprises de notre pays la sécurité et l'attractivité fiscales dont elles ont besoin. Cette réforme est d'autant plus urgente que de nombreux Etats révisent à la baisse leur taux d'imposition des sociétés. C'est fait depuis cette année aux Etats-Unis où le Congrès a fait passer ce taux de 35% à 21%. C'est en cours en France où ce taux passera progressivement de 33% à 25% en 2022. Et la Grande-Bretagne pourrait suivre en diminuant drastiquement l'imposition des entreprises après le Brexit. Mais comme on l'a vu lors de la votation fédérale du 12 février 2017, aucun projet de réforme ne passera s'il ne comporte pas une compensation pour l'ensemble de la population. C'est la leçon à ne pas oublier du scrutin sur la RIE III.
La réforme du financement de l'AVS n'est pas moins prioritaire. Pour la première fois, en 2017, l'avenir de l'AVS et de la prévoyance vieillesse est devenu la préoccupation numéro un des Suisses. Depuis plusieurs années, l'AVS dépense chaque année davantage qu'elle n'encaisse. Le déficit s'est élevé à 320 millions en 2014, à 579 millions en 2015, à 767 millions en 2016. Il a dépassé le milliard en 2017, malgré des prévisions moins pessimistes. Cela veut dire que les recettes actuelles de l'AVS, les cotisations des salariés, des employeurs et des indépendants ainsi que les contributions de la Confédération financées par l'impôt, ne suffisent plus à couvrir ses dépenses. Il faut faire quelque chose, et vite, pour enrayer cet engrenage déficitaire. Le projet tout récemment sorti des travaux de la commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats permettrait d'y parvenir tout en assurant parallèlement la réforme de l'imposition des entreprises.
Ce «paquet» comprend certes une légère augmentation des cotisations sociales dues par les employeurs et les salariés. Le budget de la Confédération sera également davantage mis à contribution. Mais il permet de stopper les déficits de l'AVS sans en modifier les prestations, contrairement à ce qui était prévu dans le projet heureusement refusé en votation populaire le 24 septembre 2017.
Tout le monde est concerné par l'AVS. Ce volet du «paquet» serait ainsi une vraie contrepartie à la réforme de l'imposition des entreprises, une vraie compensation pour l'ensemble de la population. Ce nouveau projet «fiscalité des entreprises-AVS» a été plutôt bien accueilli. Sauf à l'extrême gauche. Et par l'Union patronale suisse, à Zurich. Pour cette organisation, aucune réforme n'est acceptable si l'âge de la retraite n'est pas augmenté d'une année pour tous, hommes et femmes. Cette exigence de plus recevrait manifestement une nouvelle claque en votation populaire. Faut-il en déduire que la faîtière zurichoise estime que la réforme de la fiscalité des entreprises n'a rien d'urgent? Car il n'y a pas de réforme qui tienne en Suisse sans majorité au Parlement, mais aussi dans l'opinion publique. Mieux vaut donc une réforme limitée mais acceptable par les citoyens-contribuables qu'une réforme ambitieuse condamnée à l'échec en votation populaire.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Membre de la Commission de l'économie et des redevances (CER) du Conseil national
Article publié dans Le Temps du 5 juin 2018