L’année 2009 a confirmé les pronostics. Le marché immobilier suisse a fait preuve d’une remarquable solidité, malgré la crise. Le rythme de construction de nouveaux logements n’a pas faibli, même si le nombre de demandes de permis de construire a enregistré une baisse par rapport à l’année précédente.
Ce constat plutôt réjouissant dans la conjoncture actuelle masque cependant un sérieux problème: la pénurie persistante de logements dans notre pays. Il faudrait un taux de vacance de logements de 1.5% pour que le marché soit considéré comme équilibré. Or, depuis l’an 2000, ce taux de vacance se situe au-dessous du niveau d’équilibre dans l’ensemble du pays. Il était de 0.9% en juin 2009. Mais il était bien plus inquiétant dans certaines régions, en particulier sur l’arc lémanique. A la même date, le taux de vacance était de 0.4% dans le canton de Vaud, et même de 0.2% à Genève.
La pression démographique va se poursuivre
Cette situation, qui a évidemment une incidence sur les prix et les loyers, est notamment due à la forte progression démographique de ces dernières années. Selon les prévisions, cette croissance démographique va se poursuivre. L’Office fédéral de la statistique prévoit une augmentation de la population suisse de 7.5% d’ici à 2025-2030, avec des pointes dépassant par exemple 10% dans le canton de Vaud et 15% dans le canton de Fribourg.
Par ailleurs, les modes de vie actuels font naître de nouvelles exigences. Les besoins d’espace habitable augmentent. Une chambre par enfant, une seconde salle de bains par logement tendent à devenir la norme. La surface moyenne des logements par habitant est ainsi passée de 39 m² en 1990 à 44 m² en 2000. Elle est estimée à 47 m² aujourd’hui. Quant à la taille moyenne des ménages, elle diminue. Le nombre de personnes vivant seules devrait augmenter de plus de 20% d’ici à 2030. A cette date, on ne compterait plus que 2.02 personnes en moyenne par ménage, contre 2.17 en 2010.
La construction de logements reste insuffisante
Contrairement à certaines idées reçues, le rythme de construction de nouveaux logements est relativement soutenu, en particulier dans l’arc lémanique. Chaque année, par exemple, il y a environ 4000 nouveaux logements qui sont mis sur le marché vaudois. Mais en parallèle, le canton de Vaud accueille environ 8000 nouveaux ménages par an. La construction de logements est donc globalement insuffisante. Elle permet à peine d’absorber la croissance démographique et ne parvient pas à faire augmenter le taux de logements vacants.
Les coûts du logement sont à la hausse
L’augmentation des besoins des pays émergents et la diminution des réserves fossiles pèsent sur les prix de l’énergie et des matières premières. Les risques concernant l’approvisionnement agissent dans le même sens.
Aussi utiles qu’elles soient sur le plan de l’environnement, les nouvelles normes énergétiques contribuent à la spirale des coûts de construction. Minergie augmente de 7 à 8% le coût immédiat d’une nouvelle construction, même si le propriétaire ou le locataire s’y retrouve dans la durée avec une diminution des charges. La rénovation énergétique des bâtiments existants est encore plus coûteuse. S’y ajoute le problème encore imparfaitement résolu du report sur le locataire des investissements consentis.
Comment éviter l’impasse
Tout nous commande, pour éviter l’impasse, de mettre en œuvre une autre politique du logement qui repose essentiellement sur trois changements.
1. Dans le domaine de l’énergie, l’Etat doit soutenir les rénovations d’habitations et le recours aux énergies renouvelables pour le chauffage. Les premières mesures prises dans ce sens par la Confédération et les cantons ont eu un succès immédiat.
2. Les normes doivent être simplifiées et les procédures allégées afin de favoriser la construction de nouveaux logements et réduire le délai entre le dépôt d’un projet et sa réalisation. Car il existe aujourd’hui un décalage important entre le moment où un investisseur décide de construire et le moment où les logements sont mis sur le marché.
3. Les règlements de construction doivent être aménagés pour densifier l’habitat et construire en hauteur, en particulier dans les nouveaux quartiers. Il ne s’agit pas seulement de construire une tour emblématique ici ou là comme la chose est à la mode, mais bien de changer de politique urbaine en dehors des centres historiques de nos cités. Avantage économique: construire en hauteur permet d’édifier davantage de logements sur un terrain donné et, par conséquent, d’augmenter la rentabilité de l’investissement consenti. Avantage social: construire en hauteur permet de mettre davantage de logements sur le marché, de remédier à la pénurie et de produire un effet modérateur sur les loyers. Avantage environnemental enfin: construire en hauteur permet d’économiser le sol, qui est lui aussi une ressource non-renouvelable.
Nous aurions alors une politique du logement capable de répondre à tous les aspects du développement durable de notre pays.
Olivier Feller
Article publié dans le Journal des arts et métiers, février 2010