La LAMal n’est plus la loi sur l’assurance maladie, c’est la loi malade par excellence. On ne cesse pas de vouloir la modifier, l’amender, la chambouler, tant les effets positifs qu’on nous avait promis se sont évanouis dans la nature avec les années. Nous allons recommencer l’exercice le 1er juin prochain en votant sur un nouvel article constitutionnel, le 117a, qui prétend conduire enfin notre système de santé vers des lendemains qui chantent: la transparence, la qualité, l’efficience, la concurrence, l’économicité. N’en jetez plus.
Comme toujours l’emballage est prometteur. Mais le contenu n’est pas un cadeau. Il contient trois principes particulièrement toxiques.
Première dérive: confier à un organisme en main des caisses maladie les fonds publics - environ 8 milliards de francs - que les cantons consacrent aujourd’hui au financement du système de santé. C’est une faute. Le produit de l’impôt doit rester sous le contrôle direct du peuple ou de ses représentants, là où il est perçu. Au-delà de ce principe démocratique fondamental, nous avons tout à craindre d’un système de contrôle confié aux assureurs et à la Confédération. Sans vouloir diaboliser gratuitement les caisses maladie, on peut douter de leurs compétences de gestion financière quand on voit comment elles calculent leurs propres réserves, dont la Confédération admet enfin qu’elles sont excessives, en tout cas dans les cantons de Vaud, de Genève et de Zurich. Il y a de quoi s’inquiéter sur l’efficacité du système qui serait mis en place pour surveiller les caisses quand on voit le contrôle dont la Confédération est (in)capable sur ses propres régies publiques. CFF Cargo vous dit-il quelque chose?
Deuxième dérive: considérer la santé comme un marché ordinaire. C’est faux. Le patient n’est pas un consommateur comme les autres. On ne va pas chez un médecin comme on sélectionne son prochain lieu de vacances, comme on achète une voiture ou comme on choisit une boutique ou un grand magasin. Tout simplement parce que personne ne choisit d’être malade. Même en admettant que certains patients consultent pour le plaisir, l’immense majorité d’entre eux recourent aux soins pour guérir une souffrance qui les empêche de vivre normalement ou qui menace leur existence. Cette relation-là ne se règle pas chronomètre en main pour battre des records de production.
Troisième dérive: confier aux caisses maladie la définition des critères de comparaison des coûts d’un médecin par rapport à ceux de ses confrères. Les hôpitaux, les médecins sont-ils trop chers? En posant cette question, les assureurs maladie donnent l’impression de se préoccuper de notre sort et de protéger notre porte-monnaie. Mais n’oublions pas qu’ils sont directement intéressés par la réponse. Et que demain la question pourrait bien être «les patients sont-ils trop chers?», en particulier les personnes âgées et les malades chroniques. Certaines caisses maladie tentent déjà aujourd’hui d’écarter de leur clientèle les patients les plus coûteux – ceux qu’elles appellent «les mauvais risques».
Notre système de santé doit rester fondé sur deux principes: le libre choix du médecin par le patient, principe auquel la population est fortement attachée. Et l’autonomie des médecins dans le cadre des règles définies par la profession sur la base des dernières recherches scientifiques. C’est pourquoi je voterai non au projet d’article constitutionnel sur la santé.
Olivier Feller
Député radical au Grand Conseil vaudois
Article publié dans Le Temps du 9 mai 2008