L’explosion des prix du pétrole a des résultats inattendus. Pour réduire le budget transport de leurs employés, certaines entreprises américaines revoient leur manière de travailler. Dans les branches où la nature de l’activité le permet, elles proposent de nouvelles solutions à leurs collaborateurs comme de travailler à domicile ou de passer à une semaine de quatre jours (à dix heures) au lieu de cinq jours (à huit heures).
C’est tout bénéfice pour le porte-monnaie des travailleurs américains qui accomplissent, souvent en voiture, des trajets importants entre leur lieu de domicile et celui de l’entreprise. Mais appliquées à grande échelle, c’est aussi profitable à l’environnement en réduisant de manière sensible les trajets pendulaires.
En septembre dernier, avant même que le prix du baril n’explose, j’avais déjà mentionné la possibilité de cette évolution dans mon livre L’avenir maintenant. Dans une société hyperconnectée comme la nôtre, où les services occupent une place prédominante, l’organisation traditionnelle du monde du travail ne doit pas être taboue. Un autre fonctionnement est envisageable, moins consommateur d’énergie.
En Suisse même, la distance moyenne parcourue chaque jour est d’environ 37 kilomètres. Favoriser le travail à domicile permettrait d’agir favorablement sur les nuisances provoquées par ces déplacements. Si la tâche consiste de toute façon à travailler devant un ordinateur lorsqu’on est au bureau, il n’y a pas de dépense énergétique supplémentaire mais des économies effectives sur les trajets.
Quand j’écrivais ces lignes, l’Espagne venait de proposer jusqu’à deux jours de télétravail par semaine à ses fonctionnaires, à l’exception des membres des forces de sécurité. Pour bénéficier de cette possibilité, il suffisait d’avoir au moins deux ans d’ancienneté et de disposer des connaissances informatiques permettant d’exécuter sans difficulté son travail à domicile. Dans ces conditions, le gouvernement de Madrid estimait que, dès 2008, près de 20000 personnes pourraient travailler chez elles jusqu’à deux jours par semaine.
En Suède, où le télétravail a été encouragé par des mesures fiscales dès 1998, sept ans plus tard, les salariés travaillaient régulièrement à domicile dans 90% des entreprises employant plus de 500 personnes, et dans 30% des PME de moins de 20 salariés. Aujourd’hui, plus de 26 millions d’Américains, soit environ 18% des salariés, travaillent à domicile au moins une partie de la semaine.
De nombreux emplois nécessitent cependant de se rendre au siège de l’entreprise ou dans un lieu précis. Dans tous ces cas de figure, d’autres évolutions sont en cours. Le travail flexible se développe avec succès. En juillet dernier, un article de L’Hebdo relatait les expériences convaincantes réalisées dans ce domaine aussi bien par l’UBS que par l’Université de Lausanne ou certains services de l’administration lausannoise. Dans les grandes institutions, où de nombreux collaborateurs convergent chaque jour, cet assouplissement permet de réduire les effets des heures de pointe, sur la route comme dans les transports publics, tout en donnant un peu plus de marge de manœuvre aux employés dans l’organisation de leur vie.
Le coût élevé du pétrole est un facteur d’accélération des évolutions en cours. Les dernières technologies, associées à un équipement généralisé du pays, permettent une nouvelle organisation de la vie de tous les jours et même de la relation entre temps de travail et temps privé, dans une nouvelle alternance des périodes consacrées à chacune de ces deux sphères de l’existence.
Olivier Feller
Député au Grand Conseil vaudois
Article publié dans Le Temps du 15 septembre 2008