Les médecins en ont ras-le-bol. Ils ont raison. La Berne fédérale ne cesse de rendre la pratique de la profession de plus en plus difficile. Numerus clausus de fait à l’entrée de nos facultés de médecine, gel de l’ouverture de nouveaux cabinets, consultations chronométrées pour satisfaire aux exigences de Tarmed, tarifs à l’acte dans les hôpitaux… On ne compte plus les chicanes imaginées par des gens qui n’ont jamais soigner quiconque et qui, sous prétexte d’économies, sabotent les fondements de notre système de soins.
Avec le numerus clausus, on empêche des jeunes de notre pays de devenir médecins, mais on recrute à tour de bras des médecins formés à l’étranger pour répondre aux besoins de nos hôpitaux. C’est aberrant.
La pénurie de médecins généralistes menace notre pays. Elle est déjà flagrante dans certaines régions rurales. La relève est insuffisante puisque 60% des généralistes ont plus de 55 ans. Et que fait Berne? Alors que tout devrait être tenté pour augmenter l’attrait de ce beau mais très dur métier, on porte une nouvelle fois atteinte à leurs revenus en diminuant drastiquement les tarifs des analyses de laboratoire qu’ils pratiquent dans leurs cabinets. C’est inepte. Pour réaliser 200 millions d’économies par an -ce qui reste encore à prouver- on va détruire un élément de simplicité et d’efficacité de la médecine de proximité. Au profit de qui?
Il faut bien admettre que la Berne fédérale a réussi jusqu’à présent à faire passer ses "réformes" sans trop de difficultés. Il lui a suffi de jouer sur certaines divergences de vues entre généralistes et spécialistes, entre médecins en cabinet privé et médecins hospitaliers. Sous prétexte de vouloir réduire les coûts de la santé, la Confédération est parvenue à imposer des mesures qui ont pour principal effet de fragiliser la relation particulière entre le médecin et le patient. Car le patient n’est pas un consommateur comme les autres. On ne va pas chez un médecin comme on choisit un restaurant ou l’on achète une voiture. Le patient consulte un médecin pour guérir une souffrance qui l’empêche de vivre normalement. Cette relation-là ne se règle pas chronomètre en main pour battre des records de production.
Ici comme ailleurs, les mesures prises en vue de réaliser des économies à court terme engendrent une spirale de stupidités qui nuisent à la qualité des soins. Un exemple? Dans un article récemment publié par le journal Le Monde, un médecin hospitalier français écrit sous le titre "Hippocrate, réveille-toi, l’hôpital est devenu fou!": "L’exemple le plus absurde de l’utilisation de la tarification à l’acte (baptisée T2A chez nos voisins) est son application aux soins palliatifs (…) Du fait de la T2A, les unités de soins palliatifs sont obligées de trier les malades pour ne prendre que ceux dont l’espérance de vie est supposée être supérieure à 2 jours et inférieure à 35 jours! Tous les autres sont refusés. Pour faire face à ce système absurde, ces services sont obligés de transférer ces malades en fin de vie dans un autre service avant de les reprendre!". N’en déplaise aux apparatchiks de la santé, ce n’est pas un avenir kafkaïen que je souhaite à notre système de soins.
Olivier Feller
Député radical
Article publié dans 24 heures du 9 mars 2009