Depuis dix ans, locataires et propriétaires réclament un nouveau droit du bail. Plus personne ne veut d’une évolution des loyers calquée sur les taux hypothécaires. C’est le cœur de la réforme qui était sur le point d’aboutir. Après de longues négociations et des concessions réciproques, associations de locataires et de propriétaires étaient parvenues à conclure un accord en novembre 2007 au niveau fédéral. Cet accord faisait reposer la variation des loyers sur l’indice des prix à la consommation, tout en rendant le nouveau droit du bail plus simple et plus transparent. A Berne, c’était l’heure des congratulations. Elaboré sous la houlette de Doris Leuthard, cet accord devait prochainement prendre forme de loi.
Et patatras. La Commission des affaires juridiques du Conseil national vient de rejeter le projet qui lui était soumis. Quasiment à l’unanimité, sous l’effet de l’une de ces manœuvres politiciennes dont personne ne sort grandi.
Le premier accroc était survenu quelques jours après la signature de l’accord. L’Asloca, l’association romande des locataires, était revenue sur ses engagements, en réclamant que l’évolution des loyers ne soit pas calculée, comme convenu, en fonction de l’indice des prix à la consommation, mais sur la base d’un indice ad hoc, purgé des coûts du logement et de l’énergie. Hélas, le Conseil fédéral a cru devoir tenir compte de cette revendication dans son projet. C’est ce qui a fait tout capoter devant la commission du Conseil national.
Dans un premier temps, la majorité de la commission a réintroduit le principe d’une adaptation des loyers sur la base de l’entier de l’indice des prix à la consommation, conformément à l’accord de 2007. Sur quoi, la gauche a déclaré qu’elle s’opposerait au projet, y compris par voie de référendum. Pour finir, les uns ont jugé que la réforme n’était pas mûre, les autres qu’elle n’était pas bonne, et presque tous ont voté contre, en proposant au Conseil national de ne pas entrer en matière. C’est navrant.
J’ai moi-même été déçu que l’Asloca lance cette dispute autour de l’indice des prix. Ou bien cet indice est une bonne mesure du coût des biens et des services dans le pays, une référence pour toutes les branches de l’économie. Ou bien il faut le décomposer chaque fois que l’on veut l’appliquer à un secteur économique particulier et on ne voit plus très bien à quoi il sert. S’il faut sortir la part du logement et de l’énergie de l’indice des prix quand il s’agit de fixer l’évolution des loyers, faut-il, par exemple, en extraire la part "transports" quand les entreprises du secteur, des CFF aux taxis, veulent faire évoluer leurs tarifs?
En cette période de crise qui fragilise notre pays, les propriétaires privés et institutionnels, comme les caisses de pensions, ont besoin d’un droit du bail moderne, qui offre des perspectives de rendement correct tout en assurant des relations équitables entre locataires et bailleurs. Il serait lamentable que le Conseil national suive l’avis de sa commission. Il doit lui renvoyer le "bébé" pour qu’elle accomplisse un travail constructif.
Olivier Feller
Directeur de la Chambre vaudoise immobilière
Député radical
Article publié dans 24 heures du 2 avril 2009