Panique à bord. Parce que les primes d’assurance maladie menacent d’augmenter de plus de 10% l’année prochaine, Pascal Couchepin dégaine dans tous les sens. Après les mesures visant les laboratoires des médecins généralistes, voici la taxe de 30 francs que le patient devrait payer à chaque consultation médicale. Même si les femmes enceintes, les enfants et les malades chroniques en étaient exemptés, tout condamne cette nouvelle mesure.
Sur la forme, cette méthode de gouvernement est archaïque. Baptisée "Table ronde" pour faire croire au dialogue, la réunion au cours de laquelle notre ministre de la santé a présenté ses projets a été limitée à deux heures. On ne peut pas trouver manière plus élégante pour faire comprendre qu’on a autre chose à faire. Le choix des interlocuteurs n’est pas moins éloquent. Les cantons, les assureurs, les médecins sont invités. Mais pas les partis politiques qui auront pourtant à se prononcer sur les mesures proposées au Parlement. Ni les représentants des patients alors qu’aucune politique de la santé n’a de chance de succès sans adhésion populaire.
Faut-il rappeler qu’avec de telles méthodes, aucun gouvernement voisin, ni de gauche ni de droite, n’a obtenu de résultat dans la lutte contre l’augmentation des coûts de la santé? Simplement parce que l’adhésion ne s’obtient pas par décret. La population en a assez, ras-le-bol - les citoyens n’utilisent pas toujours des formules aussi courtoises - de cette manière de régner à l’ancienne. Quand les autorités comprendront-elles que la démocratie d’aujourd’hui, surtout quand il s’agit d’une démocratie directe, passe par l’information la plus complète et la plus transparente possible et la participation active, systématique, organisée, des citoyens avant que les décisions ne soient prises?
Sur le fond, la taxe à 30 francs est une erreur de plus dans le flot ininterrompu des "réformes" de notre système de santé. Ce droit d’accès aux soins ne peut avoir que des effets pervers. 1. Avec le système des franchises, les patients paient déjà intégralement le coût de leurs premières consommations de soins, en plus des primes d’assurance maladie. La taxe est donc superflue. 2. Tout le discours de prévention est fondé sur le fait qu’il faut détecter précocement les maladies pour que les traitements soient le plus efficaces. La taxe à la consultation va à l’encontre de cette approche. 3. Dans les pays où ce type de taxe a déjà été introduit, comme en Allemagne, elle a simplement eu pour conséquence d’écarter les plus démunis du système de soins. Drôle de progrès.
Quand les gouvernants veulent passer l’épaule, ils se retrouvent le plus souvent au tapis. De toute évidence, cette taxe sera balayée en votation populaire. Si elle passe la rampe au Parlement sous la forme d’un arrêté fédéral urgent pour la protéger du référendum pendant un an, elle ne perd rien pour attendre. Tout ce remue-ménage n’aura alors servi à rien, sauf à braquer davantage encore les acteurs incontournables d’une vraie réflexion sur notre système de santé: les patients et les médecins.
Olivier Feller
Député radical
Article publié dans 24 heures du 12 mai 2009