Le risque d'effondrement de notre système de retraites est la deuxième préoccupation des Suisses, derrière les effets du changement climatique, selon un récent sondage effectué par la Télévision suisse romande. Le débat sur la réforme de la prévoyance vieillesse, qui a finalement été rejetée en votation populaire, a sans doute contribué à forger cette inquiétude. Mais la dégradation actuelle des ressources de l'AVS est suffisamment réelle pour justifier cette appréhension collective.
Depuis quatre ans, l'AVS dépense chaque année davantage qu'elle n'encaisse. Le déficit s'est élevé à 320 millions en 2014, à 579 millions en 2015, puis à 767 millions en 2016. Le déficit sera probablement proche du milliard de francs en 2017. Cela veut dire que les recettes actuelles de l'AVS, les cotisations des salariés, des employeurs et des indépendants ainsi que les contributions de la Confédération financées par l'impôt, ne suffisent plus à couvrir ses dépenses.
Le principal constat de la votation de septembre 2017, c'est qu'une réforme de l'AVS passe nécessairement par un compromis entre les différentes forces politiques du pays. Si l'on ne veut pas laisser le système sombrer dans les déficits, il est nécessaire de trouver une majorité au Parlement, mais aussi dans l'opinion publique, dès lors que la réforme sera vraisemblablement attaquée par un référendum. Alors que faire?
La première piste de solution passe par une augmentation raisonnable des recettes de l'AVS, de préférence au travers d'une hausse de la TVA. Alors que la droite est en principe hostile aux augmentations d'impôts, elle consentirait sans doute, pour débloquer le dossier, à une hausse modérée du taux de TVA au profit de l'AVS.
La deuxième piste de solution passe par la flexibilisation de l'âge de la retraite, qui ne semble pas contestée.
La troisième piste de solution consiste à faire passer l'âge de la retraite des femmes de 64 ans à 65 ans. Pour l'extrême-gauche, il s'agit d'un casus belli, pour des motifs idéologiques. Pour les sociaux-démocrates, l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes n'est admissible que si elle est accompagnée de compensations financières dans l'AVS. Pour la droite, cette mesure est logique au vu des changements sociétaux, en raison de l'évolution de la place de la femme dans la famille et le monde du travail. Pendant la campagne de septembre dernier, on a toutefois entendu, y compris dans les milieux de droite, que l'augmentation de l'âge de la retraite des femmes serait plus facile à défendre si l'égalité salariale était effective.
Or le Conseil fédéral a approuvé en juillet dernier un message sur la modification de la loi sur l'égalité. Selon le communiqué du gouvernement, l' «écart inexpliqué entre les salaires des hommes et des femmes s'élève actuellement à 7.4% et représente une discrimination à raison du sexe». Il s'agit d'une différence inexplicable dans la mesure où elle n'est pas liée à l'âge, à la formation, aux années de service, etc. C'est pourquoi le Conseil fédéral propose que les employeurs tant privés que publics qui occupent au moins 50 travailleurs effectuent tous les quatre ans une analyse de l'égalité des salaires et la fassent vérifier par un organe indépendant, par exemple une entreprise de révision. Les employeurs concernés devront aussi informer leurs employés (et leurs actionnaires pour les sociétés cotées en bourse) des résultats de l'analyse. Aucun contrôle étatique n'est en revanche prévu mais l'obligation d'informer devrait inciter les employeurs à corriger les éventuelles anomalies de leur système salarial.
C'est sur ce thème qu'un compromis me paraît nécessaire pour que la prochaine réforme soit susceptible d'être soutenue par une majorité populaire. Comme mon parti, je suis a priori opposé à cette nouvelle réglementation, qui constitue une exigence de plus pour les entreprises, alors qu'elles ont surtout besoin qu'on simplifie leurs charges administratives.
Mais il me semble qu'on pourrait accepter la modification de la loi sur l'égalité si celle-ci était englobée dans la révision de l'AVS, dans un paquet global où chacun des partis en présence ferait des concessions sur ses positions doctrinales. Ne serait-il pas cohérent, en effet, d'agir dans un même texte de loi en faveur de l'égalité en matière d'âge de la retraite et en matière salariale ? Attaché à l'égalité entre les hommes et les femmes, je considère que celle-ci doit être effective tant en ce qui concerne l'âge de la retraite qu'en ce qui concerne les salaires. C'est une question de logique qu'une approche pragmatique des choses devrait pouvoir résoudre.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans Le Temps du 11 décembre 2017