Un patron ne devrait pas gagner en un mois davantage que l’un de ses employés en un an. C’est l’objectif de l’initiative lancée par les jeunes socialistes (initiative 1:12) qui veut mettre fin aux salaires mirobolants de certains managers. Elle demande qu’au sein d’une même entreprise le salaire le plus élevé ne soit pas plus de douze fois supérieur au salaire le plus bas.
Il faut le dire d’emblée, les faits à l’origine de l’initiative sont effectivement choquants. Les montants atteints par la rémunération de certains managers ne sont pas admissibles. Ce n’est pas l’initiative socialiste qui me le fait dire. J’ai publiquement exprimé cette opinion dès que le problème est apparu, dans des articles et dans un livre, L’avenir maintenant, publié en 2007:
"Un dirigeant d’entreprise a une responsabilité sociale. Il ne peut ignorer les conséquences politiques de ses actes ni l’effet de son comportement sur l’opinion. Il est trop évident que des rémunérations manifestement excessives nuisent à la crédibilité des milieux économiques. Quand les montants deviennent inexplicables – sauf à prendre comme référence certains salaires tout aussi injustifiés pratiqués à l’étranger – ils ne peuvent provoquer que le scandale. Pour satisfaire leur ego, quelques dirigeants prennent ainsi le risque d’ouvrir la voie à des réglementations étatiques contraignantes qui s’appliqueraient de manière systématique et indifférenciée à toute l’économie."
Nous y voilà. Pour lutter contre les dérapages de quelques managers dans notre pays, l’initiative veut introduire des contraintes excessives qui s’appliqueraient à tous les patrons. Parce qu’elle conteste, à juste titre, qu’un manager comme Daniel Vasella touche une rémunération 720 fois plus élevée qu’un autre employé de Novartis, elle veut limiter de 1 à 12 l’écart entre les salaires dans toutes les entreprises du pays. Les jeunes socialistes, si prompts à dénoncer le populisme de leurs adversaires, tombent à leur tour dans le panneau.
Pour justifier leur initiative, les jeunes socialistes invoquent la nécessité de rétablir le primat de la politique sur l’économie. Leur approche est fausse. Ce n’est pas la domination du politique sur l’économie, ou vice versa, qui fait la prospérité d’un pays mais leur coexistence pacifique. Comme l’ancien conseiller socialiste de François Mitterrand, Jacques Attali, l’a démontré dans plusieurs ouvrages, c’est la démocratie et le marché qui sont à l’origine du développement du bien-être dans l’histoire. Partout où le politique a imposé sa loi d’airain à l’économie, comme dans les pays soviétiques, c’est la misère qui s’est installée.
Pour lutter contre les excès de certains managers, d’autres voies sont ouvertes. Le renforcement du droit des actionnaires dans la fixation des salaires des dirigeants en est une. Même si elle est sans doute imparfaite, c’est ce que demande l’initiative "contre les rémunérations abusives" pour les sociétés suisses cotées en bourse. Signe de leur dogmatique intransigeance, les jeunes socialistes la jugent trop mesurée…
Olivier Feller
Député radical au Grand Conseil vaudois
Article publié dans "Accent", l’organe de presse des jeunes libéraux radicaux suisses (décembre 2009)