Faisons court. Après avoir souvent refusé de voir le problème, les élus se mettent à prendre en compte les réactions de la population à la mendicité qui se répand dans nos rues. Pour s’en tenir à la capitale vaudoise, plusieurs propositions viennent d’atterrir sur le bureau du Conseil communal. Les uns demandent l’interdiction de la mendicité, d’autres ne l’excluent pas, l’idée la plus surprenante émanant d’un élu socialiste qui veut punir les passants qui donneraient de l’argent à des mineurs.
Le problème a beau être sérieux à mes yeux, j’ai plutôt envie de sourire. En 2008, j’ai en effet proposé au Grand Conseil d’interdire la mendicité dans l’ensemble du canton. Pour plusieurs raisons. D’abord, dans une société dotée de services sociaux, la tolérance de la mendicité n’est pas un remède à la pauvreté mais une forme d’impuissance publique incompatible avec notre conception de la dignité humaine. Ensuite, il s’agit d’interdire la mendicité, quelle qu’elle soit, et non de stigmatiser certaines catégories de personnes, les Roms par exemple. Enfin, si l’on veut combattre la mendicité, il faut l’interdire sur l’ensemble du territoire cantonal. On ne peut pas lutter efficacement contre une pratique qui serait interdite à Lausanne mais tolérée à Renens, à Pully ou au Mont-sur-Lausanne.
Ma proposition a été rejetée. Elle n’est pas applicable, ont dit les uns. Ah bon? Il se trouve qu’un article de l’actuelle loi pénale vaudoise - l’article 23 - prévoit que celui qui envoie mendier des personnes mineures est punissable de jours-amende. Personne, à ma connaissance, ne remet en cause cette disposition au motif que les jours-amende ne seraient pas applicables dans cette situation. Alors, pourquoi ce qui peut être appliqué à des adultes qui font mendier des mineurs ne pourrait pas l’être s’ils mendient eux-mêmes?
C’est un problème marginal, ont dit les autres. J’ai répondu que tolérer la mendicité sous le prétexte qu’elle n’était pas trop importante à ce stade, c’était le meilleur moyen de lui laisser prendre de l’ampleur. Et c’est malheureusement ce qui s’est produit. On a soudainement vu apparaître des mendiants aux feux rouges, interpellant les automobilistes. Puis des enfants ont été impliqués de manière directe ou indirecte. On sait maintenant que la mendicité est devenue une entreprise. Le rapport commandé par le municipal popiste de Lausanne, Marc Vuilleumier, l’a clairement montré. Des voitures déposent les mendiants le matin dans divers lieux de la ville, voire du canton, et les récupèrent le soir. Une personne passe même dans la journée pour récolter l’argent. Si ce n’est pas de la mendicité organisée, qu’est-ce que c’est? Or le comité directeur du parti socialiste suisse a lui-même proposé à deux reprises, en juin et en septembre 2008, d’interdire la mendicité organisée…
L’évolution de la situation le montre: la mendicité devrait être interdite. Notre société a d’autres moyens de venir en aide aux personnes en détresse que de leur laisser la rue pour horizon.
Olivier Feller
Député radical
Article publié dans 24 heures du 26 février 2010