La Suisse est partiellement confinée depuis le 16 mars pour cause de coronavirus. Une large majorité de la population comprend que le pic de l'épidémie doit être atteint et dépassé dans notre pays pour que l'on puisse entamer un déconfinement progressif. Et cela malgré les beaux jours qui s'annoncent. C'est un principe de précaution élémentaire. La santé est la priorité et il n'est pas question d'opposer la santé à l'économie. Ce n'est pas de fixer maintenant les dates précises des différentes étapes du déconfinement qui importe. Ce qui devient par contre urgent, c'est de le préparer et d'expliquer comment on va l'organiser. Autrement dit de décrire le calendrier du déconfinement, à partir du jour J, ainsi que les mesures qui vont l'accompagner.
Dans cette perspective, de nombreuses questions doivent être résolues qui ne sont pas seulement d'ordre médical ou sanitaire. En voici quelques exemples.
Quels entreprises et commerces pourront rouvrir le jour J? Tous? Sans doute pas, si l'on souhaite un déconfinement progressif. D'autant qu'il faut laisser le temps, notamment aux transports publics, de se préparer à reprendre un horaire normal. Il convient donc de lister les activités prioritaires, qui seront d'abord concernées par le déconfinement, en fonction du degré de nécessité pour la population et de leur capacité à appliquer les mesures sanitaires en vigueur.
D'où toute une série d'autres questions.
1. Quelles mesures sanitaires seront maintenues? Peut-on, par exemple, envisager de maintenir l'interdiction de se réunir à plus de cinq dans l'espace public et l'obligation de respecter la distanciation sociale de deux mètres, si ces règles ne sont pas applicables dans les entreprises qui peuvent redémarrer? Ce problème s'est d'ailleurs posé pendant le confinement et a provoqué de nombreuses interrogations chez les employeurs et leurs employés.
2. Quand les écoles et les crèches-garderies reprendront-elles de manière à éviter la galère de la garde des enfants, que l'on ne souhaitera pas, en tout cas pas tout de suite, confier aux grands-parents? Dans ce domaine, il serait sans doute souhaitable que la reprise scolaire soit consacrée à un bilan du niveau des enfants afin d'adapter le programme à venir si les objectifs n'ont pas pu être atteints.
3. Va-t-on imposer le port du masque à toute personne qui quitte son domicile pour aller au travail, à l'école, faire ses courses, comme on le voit se profiler dans d'autres pays? Si oui, a-t-on la certitude de disposer de l'approvisionnement suffisant pour tenir? Quelles mesures seront prises pour assurer leur distribution de manière à éviter leur accaparement, comme on a vu même des Etats le faire sans aucune gêne, la Tchéquie à l'égard de l'Italie, la France à l'égard de la Suède, et les Etats-Unis à l'égard de plusieurs pays européens? Autre problème non négligeable: ces masques seront-ils distribués gratuitement ou à un tarif imposé de manière à éviter que les prix ne s'envolent?
4. A quelles conditions envisage-t-on de maintenir (ou de lever) l'interdiction des grandes manifestations religieuses, culturelles et sportives, qui contribuent à l'équilibre personnel, mais dont certaines ont vraisemblablement contribué à la propagation du virus dans plusieurs pays européens?
5. Comment pense-t-on gérer la décompression de toute une population le jour où l'on desserrera les règles du confinement? La question n'est pas anodine quand on voit que, dès la levée partielle des restrictions, les Chinois, pourtant habitués à un régime de dictature expéditive, se sont rués sur les sites touristiques de leur pays?
6. La question des tests de dépistage de l'immunité est aussi centrale. S'il est possible de permettre aux personnes atteintes du virus mais n'ayant pas développé de symptômes aigus de reprendre une activité sans représenter de danger pour elles-mêmes ou pour autrui grâce à l'immunité acquise, il faudra l'intégrer dans la stratégie de déconfinement. Des études sont en cours notamment en Suisse romande. Il faudra s'assurer de la disponibilité et de la fiabilité de tels tests ainsi que de leur utilisation dans le respect de critères éthiques.
Cette liste de questions n'est de loin pas exhaustive. Elle suffit à montrer deux choses. La première, c'est qu'une task force réunissant les principales forces politiques et socio-économiques du pays serait utile, voire nécessaire, pour y répondre de manière démocratique. Une task force scientifique conseille déjà le Conseil fédéral. Il ne s'agit évidemment ni de la supprimer ni de la remplacer mais de lui faire pendant pour toutes les questions de la vie quotidienne à venir que la population se pose légitimement. La deuxième chose, c'est qu'un vaste plan de communication doit être établi pour le public d'une part, et pour tous les secteurs économiques d'autre part, afin que chacun puisse se préparer et planifier la reprise en toute connaissance de cause.
Olivier Feller, conseiller national PLR Vaud
Johanna Gapany, conseillère aux Etats PLR Fribourg
Damien Cottier, conseiller national PLR Neuchâtel
Article publié dans Le Temps du 14 avril 2020