L'imposition de la valeur locative a été instaurée au niveau fédéral en 1934. Soit à une époque où sévissait une grave crise économique qui allait contribuer à déclencher la Seconde guerre mondiale. Mais comme tout impôt de crise, l'impôt sur la valeur locative a «survécu» à la crise. Et certains milieux politiques et associatifs se sont tellement attachés à cet impôt qu'ils rejettent désormais toute refonte du système.
€ gauche, les partisans de l'impôt sur la valeur locative estiment qu'il est justifié par le fait que le propriétaire de son logement n'a pas de loyer à payer, contrairement au locataire. € droite, les amateurs de cet impôt considèrent qu'il permet d'assurer l'égalité de traitement entre le propriétaire qui habite son logement et celui qui met son logement en location, les loyers encaissés étant soumis à l'impôt.
Un enjeu macroéconomique
En réalité, l'impôt sur la valeur locative reste foncièrement inéquitable. Il frappe un revenu fictif, artificiellement ajouté au revenu imposable, alors qu'il ne correspond à aucune rentrée financière concrète. Il pénalise notamment les propriétaires qui atteignant l'âge de la retraite et dont les revenus réels tendent à diminuer. Le problème est accentué dans certains cantons qui pratiquent une indexation régulière de la valeur locative. Ainsi, dans le canton de Vaud par exemple, la valeur locative est augmentée en moyenne tous les deux ans.
A cela s'ajoute un problème macroéconomique. Car le système fiscal actuel décourage les propriétaires d'amortir leur dette hypothécaire. Il en résulte que la dette brute des ménages en Suisse s'élève à 223% du revenu disponible. Autrement dit, pour un revenu annuel disponible de 100'000 francs, un ménage a, en moyenne, une dette de 223'000 francs. Les ménages privés en Suisse se retrouvent ainsi parmi les plus endettés au sein de l'OCDE. Seuls le Danemark, les Pays-Bas et la Norvège affichent un rapport plus élevé entre l'endettement brut et le revenu annuel disponible. N'est-il pas temps de s'en inquiéter?
La balle est dans le camp du Conseil national
Le Conseil des Etats a accepté le 21 septembre dernier, par 20 voix contre 17, un projet visant à réformer fondamentalement le système actuel. A présent, c'est la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national qui planche sur le dossier. Le 9 novembre dernier, elle a décidé, par 17 voix contre 6 et 2 abstentions, d'entrer en matière sur le projet accepté par le Conseil des Etats. Les travaux se poursuivront l'année prochaine.
Ce qui complique le processus de réforme, c'est que certains milieux réclament la suppression simultanée de l'impôt sur la valeur locative et de l'une ou de l'autre, voire de la totalité, des déductions fiscales actuellement admises. C'est là que le bât blesse. Car chaque déduction poursuit un objectif bien précis, qui a sa légitimité propre.
A la recherche d'un compromis
La Fédération romande immobilière, qui défend les préoccupations des propriétaires romands, a fait plusieurs propositions visant à contribuer à faire aboutir le projet de réforme. Ainsi, si l'impôt sur la valeur locative était supprimé, la Fédération romande immobilière serait prête à admettre que la déduction forfaitaire des frais d'entretien soit aussi abolie dès lors que cette déduction ne porte pas sur des frais réels. Les déductions des frais de remise en état d'un immeuble nouvellement acquis, des primes d'assurance et des frais d'administration par des tiers pourraient également être abandonnées.
En revanche, la déduction des frais d'entretien effectifs doit être maintenue afin d'inciter les propriétaires à conserver leurs biens dans un bon état en confiant des mandats aux PME du secteur de la construction. Dans le même esprit, la déduction des frais de rénovation énergétique doit être conservée à un moment où la nécessité d'agir en faveur du climat est considérée, à juste titre, comme une priorité.
S'agissant de la déduction des intérêts hypothécaires, elle serait automatiquement réduite en cas de suppression de l'impôt sur la valeur locative. En effet, le principe actuellement en vigueur, c'est que les intérêts passifs privés, quels qu'ils soient, peuvent être déduits à concurrence du rendement imposable de la fortune augmenté d'un montant de 50'000 francs. Or, la valeur locative soumise à l'impôt sur le revenu fait partie du rendement imposable de la fortune. Si l'impôt sur la valeur locative était aboli, la part maximale des intérêts passifs pouvant être déduite serait donc, de fait, réduite du même montant.
En plus, la Fédération romande immobilière est prête à admettre une éventuelle diminution du montant de 50'000 francs qui est aujourd'hui ajouté au rendement imposable de la fortune pour déterminer la part maximale des intérêts passifs pouvant être déduite.
Souhaitons qu'un projet susceptible de majorité au Parlement et lors d'une éventuelle votation populaire puisse être ficelé en 2022 de manière à enfin débarrasser notre pays d'un impôt inique qui taxe du vent!
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Secrétaire général de la Fédération romande immobilière
Article publié dans le Journal des arts et métiers du mois de décembre 2021