Le Conseil fédéral voulait privatiser PostFinance. C'est - heureusement - mal parti. Les commissions compétentes du Conseil des Etats ont toutes refusé d'entrer en matière sur le projet. C'est même à l'unanimité que la Commission des transports et des télécommunications a décidé, le 16 mai dernier, d'enterrer la réforme. Un signe clair. Le tout est de comprendre pourquoi.
PostFinance est actuellement une filiale de la Poste, propriété à 100% de la Confédération, autrement dit du peuple suisse. Ses revenus permettent de compenser les pertes des services postaux, qui sont réelles malgré la diminution des prestations au détriment des particuliers et des PME. Et si les bénéfices de PostFinance ont baissé ces dernières années, au bout du compte, l'entreprise verse encore des dividendes de quelque 50 millions par an dans les caisses fédérales. C'est moins qu'avant mais ce n'est pas rien.
Sur le fond de ce tableau, le projet du Conseil fédéral visait à assurer la pérennité de PostFinance et des dividendes que cela lui rapporte en améliorant le rendement de l'entreprise. Comment? En lui permettant d'entrer sur le marché des crédits hypothécaires. Mais cet objectif est en soi un non-sens. Le marché hypothécaire est déjà très bien fourni dans notre pays. Banques, assurances, caisses de pension: il y a surabondance d'acteurs dans ce domaine et la concurrence est rude. Elle n'a pas besoin d'être renforcée.
Cet objectif, inutile pour le bon fonctionnement de notre économie, ne peut d'ailleurs être réalisé qu'à une condition: la privatisation préalable de PostFinance. Et là aussi, la pilule a du mal à passer. Car PostFinance devrait alors être recapitalisé à hauteur de 1,7 milliard de francs afin que ses fonds propres respectent les normes de la Finma. Vous l'avez compris, chers contribuables, vous devriez passer à la caisse pour 1,7 milliard afin de permettre à PostFinance de concurrencer des acteurs privés qui n'ont jamais bénéficié d'un quelconque soutien public.
Mais il y a plus encore. La séparation de PostFinance d'avec la Poste ne ferait qu'accentuer les pressions déjà très fortes sur les prestations et le personnel des services postaux. Depuis des années, la population proteste contre la fermeture des offices postaux et la dégradation du service universel. Le personnel se plaint, de son côté, des conditions de travail tendues qui lui sont imposées.
La privatisation de PostFinance n'est pas une réponse à ces problèmes. Elle ne ferait que les aggraver. Débrancher les régions périphériques ou les moins peuplées des services publics est une mauvaise politique. Alors si le financement du service universel de la Poste est un problème de société, il doit être traité comme tel, dans le cadre d'un débat de fond et non par la tangente.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans 24 heures le 25 mai 2022