«Les mauvaises nouvelles d’abord», avait coutume de dire Bill Gates à ses collaborateurs. Ces derniers temps, on est servi. Car les signaux d’alerte se sont multipliés en ce début d’année et l’économie suisse est en difficulté.
Le bilan de notre balance commerciale, dont l’excédent a augmenté l’année dernière, est trompeur. Car nos exportations ont presque toutes reculé, à l’exception des exportations horlogères. Même le secteur chimico-pharmaceutique s’est maintenu avec peine. Mais derrière ces chiffres macro-économiques, il y a des entreprises et des emplois. Et les nouvelles en ce début d’année ne sont pas réjouissantes.
Au mois de janvier, les carnets de commandes des PME se sont effondrés, selon les analyses de Raiffeisen. Plus de 40% des PME interrogées ont signalé un recul de leur production et seulement 15% une hausse. De plus en plus d’entreprises recourent au chômage partiel, voire aux licenciements, y compris dans les secteurs épargnés jusqu’à présent, comme l’industrie des machines et de la métallurgie. La banque n’entrevoit pas de retournement de tendance dans un proche avenir.
Les économistes d’UBS ne sont pas plus rassurants. Pour eux, l’industrie suisse traverse une récession qui pourrait conduire à une perte de 5’000 emplois dans ce domaine. Avec les inévitables répercussions en chaîne d’un tel recul d’activité.
L’agriculture ne va pas mieux. Confrontées à la concurrence internationale qui n’a pas à respecter les règles environnementales auxquelles elles sont soumises, à la pression sur les prix et aux aléas climatiques de ces dernières années, de nombreuses exploitations agricoles ne sont plus rentables. Le revenu paysan est nettement inférieur à celui des autres actifs. La colère qui s’est exprimée dans la plupart des pays de l’Union européenne pourrait bien s’étendre à la Suisse, surtout si la Confédération se met à couper dans le budget agricole.
Pour couronner le tout, la consommation intérieure marque le pas en raison de l’inflation. Les chiffres d’affaires du commerce de détail ont reculé en 2023, d’environ 2% en termes réels, selon les données provisoires de l’Office fédéral de la statistique.
On ne peut guère s’étonner que le chaos du monde frappe à nos portes. La pandémie Covid puis la guerre en Ukraine ont provoqué un dérèglement du commerce mondial et une brutale hausse des prix, en particulier de l’énergie.
Le franc suisse, jouant à nouveau son rôle de valeur refuge en période troublée, nous a certes protégés de l’inflation plus élevée enregistrée chez nos voisins. Mais la force de notre monnaie pénalise désormais toute notre industrie d’exportation.
Deux autres facteurs expliquent notre situation. La croissance est en berne un peu partout dans le monde, en tout cas chez nos principaux clients européens, et même en Chine où elle est de nouveau en retrait. Les guerres et les tensions géopolitiques actuelles, qui perturbent le commerce mondial, engendrent en outre de nombreuses mesures protectionnistes ou sécuritaires.
Les menaces qui pèsent sur la paix en Europe n’ont jamais été aussi fortes depuis certaines périodes de la guerre froide. A la crainte de voir le conflit en Ukraine s’éterniser s’ajoute maintenant la perspective de le voir s’étendre.
Ce triste décor s’installe au moment où la Suisse est prise entre d’importants déficits et la nécessité d’investir massivement pour assurer la transition écologique et la mise à niveau d’infrastructures qui ne répondent plus à l’augmentation de la population.
Face à une telle accumulation de défis, un seul programme devrait s’imposer: l’effort. Dans les faits comme dans les mentalités, on a pourtant l’impression que c’est plutôt le confort qui est à l’œuvre dans les 101 propositions et revendications quotidiennes. Si certaines d’entre elles paraissent légitimes à mes yeux, comme d’autres peuvent le paraître à mes voisins, c’est pourtant leur accumulation qui pose problème. Gouverner, dit-on, c’est choisir. Mais c’est aussi souvent douloureux.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans le Journal des arts et métiers du mois de mars 2024