Le 19 mars 2023, le pire a été évité. Non seulement sur le plan national, mais aussi sur le plan international. Sinon, il y a un an, le président de la Confédération Alain Berset n’aurait pas ouvert, en anglais, la conférence de presse sur le sauvetage de Credit Suisse. La bombe engendrée par de graves manquements de la banque zurichoise menaçait d’exploser dans les mains du gouvernement. On peut donc se féliciter du travail accompli en quelques jours, dans l’urgence et sous forte tension, par toutes celles et ceux qui ont trouvé une issue de secours à la crise. Il n’y a pas besoin d’être PLR pour reconnaître que la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, qui venait juste de reprendre le Département des finances, y a largement contribué.
Fort de ses expériences précédentes, ratée pour Swissair en 2001, réussie pour UBS en 2008, le Conseil fédéral a trouvé, en collaboration avec la Banque nationale suisse, une solution qui a évité un tsunami. La stabilité financière a été préservée. Au final, le rachat de Credit Suisse par UBS n’a rien coûté aux contribuables suisses. Il a même rapporté quelque 200 millions à la Confédération. Dont il faut déduire, en toute honnêteté, les frais engagés pour faire face à la crise et le coût de la commission d’enquête parlementaire qu’elle a déclenchée. Car en s’interrogeant sur la légalité et l’efficacité de la gestion de cette affaire par les autorités, l’enquête devra notamment répondre à une question qui s’est posée dès les premiers jours: à quoi sert un organe de surveillance des banques, en l’occurrence la FINMA, s’il n’est pas capable de faire appliquer ses décisions ou d’intervenir à temps pour éviter les catastrophes?
Comment peut-on laisser des dirigeants s’octroyer de substantielles primes de performance quand les actions de la banque sont en baisse et que l’entreprise fait des pertes tout en accumulant les scandales financiers? Ce n’est pas seulement une question de morale. C’est aussi affaire de responsabilité. Faut-il rappeler que si le pire a effectivement été évité, les conséquences de la disparition de Credit Suisse sont particulièrement dommageables? Elle va se solder, à terme, par la perte de milliers d’emplois pour des collaboratrices et des collaborateurs qui, eux, n’ont pas failli. Elle s’est doublée, dans l’immédiat, par un dégât d’image de la place financière suisse, sans compter les plaintes déposées par de nombreux investisseurs dont les titres ont brutalement perdu toute valeur.
Elle place en outre la Suisse devant de nouveaux risques. UBS était déjà une banque d’importance systémique mondiale avant le rachat de Credit Suisse. L’envergure de la nouvelle banque, dont les actifs dépassent la valeur du produit intérieur brut de notre pays, réclame des mesures vraiment adaptées, cette fois, aux circonstances. L’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, le souligne dans l’étude qu’elle vient de consacrer à la Suisse. «Selon la réglementation «too big to fail», écrit-elle, UBS doit répondre à des exigences réglementaires encore plus strictes.»
C’est une condition essentielle si notre pays veut conserver une place financière forte, à l’abri des crises et des tentations de la déstabiliser. J’attends avec impatience la publication, le 10 avril prochain, du rapport «too big too fail» dans lequel le Conseil fédéral doit présenter les mesures qu’il juge nécessaires pour faire face à la nouvelle situation, sur les plans national et international.
Mais au-delà des dispositions à prendre en matière de surveillance, une autre page doit être définitivement tournée. La réglementation doit bannir des incitations financières celles qui poussent les dirigeants bancaires à prendre des risques excessifs et à les faire payer par d’autres quand survient la déroute. La responsabilité des organes dirigeants doit être engagée quand des comportements fautifs sont commis. A l’avenir, les rémunérations indues devront être remboursées. Selon la SonntagsZeitung de dimanche dernier, qui se base sur des rapports non encore publiés, Credit Suisse a financé des bonus et des dividendes en contractant des dettes! Pendant dix ans! Une telle impunité ne doit plus pouvoir se reproduire.
Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud
Article publié dans Le Temps le 19 mars 2024