Actualités  |  Jeudi 27 mars 2025

La Poste vit comme si elle était «hors la loi»

La Poste semble n’avoir que faire des textes légaux qui définissent ses missions de service universel et ses buts. Et le Conseil fédéral, pourtant chargé de sa surveillance, laisse faire. Voilà la réalité dans un Etat dit de droit.

Que disent les lois sur La Poste et son organisation? Que La Poste doit assurer le transport des lettres, colis, journaux et périodiques et les distribuer cinq jours par semaine, et même six jours pour les quotidiens en abonnement. Qu’elle doit garantir un réseau d’offices de poste et d’agences couvrant l’ensemble du pays et assurant les prestations du service universel ainsi que des boîtes aux lettres en quantité suffisante. Que La Poste doit également assurer dans tout le pays un service universel de paiement. En contrepartie de ces obligations, La Poste a le monopole du transport des lettres de moins de 50 grammes.

La loi autorise par ailleurs La Poste à proposer d’autres services, clairement définis. Elle peut fournir des prestations de transport régional de voyageurs. Elle peut aussi proposer certains services financiers (réception de fonds de la clientèle, gestion de comptes…) mais sans octroyer des crédits ou des hypothèques à des tiers. Le parlement a donc fait son travail. Il a décrit ce qu’il fallait entendre par le service universel et précisé les buts de La Poste.

Un expansionnisme sans limites

Pourtant, depuis plusieurs années, La Poste développe des activités qui n’ont rien à voir avec ce cadre légal. Le parlement n’a jamais prévu, par exemple, que La Poste vende des livres, des téléphones portables, des articles de papeterie… Le parlement n’a pas davantage prévu que La Poste se développe tous azimuts dans des domaines sans aucun lien avec ses missions de service universel ou ses buts. Dans une interpellation déposée en décembre 2022, je notais déjà que La Poste avait acquis une douzaine d’entreprises l’année précédente.

Depuis lors, ce business s’est poursuivi. En janvier 2023, La Poste a fait l’acquisition des entreprises de transport allemandes Gaiser et Nolden. En avril suivant, elle a pris une participation majoritaire dans la société SpotMe Holding, située à Lausanne, qui propose des plateformes numériques de communication. En juillet, elle est devenue actionnaire majoritaire de l’entreprise TerreActive, basée à Aarau, dans le but de proposer aux entreprises et aux institutions publiques une gamme complète de solutions de cybersécurité. Et en octobre 2023, elle a conclu un partenariat avec la société Steriparc, localisée à Yverdon-les-Bains et spécialisée dans le traitement de dispositifs médicaux. A quand l’achat d’une clinique ou d’un centre médical?

Des investissements à l'étranger

La Poste détient ainsi des participations dans des entreprises privées en Suisse, en Bulgarie, en Allemagne, en France, au Royaume-Uni, en Italie, au Canada, en Pologne, en Hongrie, aux Etats-Unis… Non seulement ce business va bien au-delà des missions clairement listées dans la loi, mais il fait potentiellement concurrence aux PME actives dans ces différents secteurs. C’est inadmissible. Car La Poste n’est pas une entreprise privée. C’est une entreprise de droit public soumise aux lois votées par le parlement et dont l’unique actionnaire s’appelle la Confédération.

Malheureusement, le Conseil fédéral laisse faire en échange du dividende de 50 millions que La Poste lui verse chaque année et en s’accommodant du «respect» d’objectifs stratégiques particulièrement flous qu’il a lui-même fixés.

Alors que La Poste veut fermer un peu partout un grand nombre de ses offices et réduire ses prestations de service universel, elle agit ailleurs en roue libre, sans base légale suffisante, sans véritable surveillance et sans limites à son élan expansionniste.

L'Etat doit reprendre la main

Une motion adoptée par le Conseil national en septembre 2024 voulait précisément que le parlement reprenne la main. Elle réclamait une clarification du domaine d’activité de La Poste avant toute nouvelle restructuration concernant notamment les offices postaux. Le 11 mars dernier, le Conseil des Etats a cependant enterré cette motion, le lobbying intense du président de La Poste ayant porté ses fruits.

En attendant, tout va pour le mieux dans le royaume postal…

Olivier Feller
Conseiller national PLR Vaud

Article publié le 27 mars 2025 dans Le Temps