L'investissement prévu par le Conseil fédéral dans un secteur-clé pour notre avenir - la formation, la recherche et l'innovation - est-il suffisant? La réponse est non. Le débat engagé aux Chambres fédérales est d'autant plus important que les décisions qui seront prises au cours des prochains mois auront des incidences sur toute la période de la législature.
Le Conseil fédéral propose de consacrer quelque 26 milliards de francs à l’encouragement de la formation, de la recherche et de l’innovation pendant les années 2013 à 2016. Ça paraît beaucoup, même énorme. Mais c'est insuffisant.
Ces quelque 26 milliards répartis sur quatre ans représentent en effet une croissance moyenne annuelle des crédits de 3.7%. Là aussi, la progression paraît considérable. A s'en contenter, on risque pourtant de passer à côté des véritables enjeux. C'est une augmentation plus substantielle qu'il nous faut, de 6% dans l’idéal. Voici pourquoi.
Les objectifs fixés au départ n'ont jamais été tenus ces dernières années. Pour 2004-2007, le Parlement avait fixé un objectif de croissance annuelle de 5% pour les dépenses d'encouragement à la formation, à la recherche et à l'innovation, FRI dans le jargon fédéral. Dans les faits, elle a été réduite à 3.6%. Pour 2008-2011, l'augmentation des moyens décidée par le Parlement était de 6% par année. Elle n'a été que de 5.6%. Tout simplement parce que ces plans financiers ne sont pas contraignants. Rien n'empêche le Parlement d’opter en cours de route pour des montants inférieurs aux plafonds fixés. On peut donc légitimement s'interroger sur le sort qui sera réservé aux 3.7% prévus aujourd'hui pour les années 2013-2016.
La question est d'autant plus pertinente que les croissances prévues pendant les premières années de la législature sont plutôt faibles alors que l'augmentation prévue en 2015 est supérieure à la moyenne. Les promesses rendent peut-être les fous joyeux, mais ce procédé n’est pas acceptable. Rien n’indique que l’augmentation très considérable promise en 2015 pourra être respectée.
Il faut donc donner un signal fort dès le départ pour limiter les tentatives ultérieures de réduire la part FRI dans les investissements. Et prévoir un pourcentage de croissance annuelle linéaire sur l’ensemble de la période. C'est l'enjeu du débat engagé au Parlement.
La demande de porter à 6% la croissance des investissements FRI a été déposée au Conseil national par une motion de mon collègue Ruedi Noser, que j'ai cosignée. Cette demande est justifiée par l'ampleur des besoins:
- la nécessité d’être performant face à la concurrence internationale,
- l’augmentation du nombre des étudiants dans certaines branches,
- les investissements dans les grandes infrastructures de recherche, comme les parcs de l’innovation,
- les nouvelles recherches dans le domaine de l'énergie,
- et les besoins en termes de transfert de technologie.
Deux exemples. Le premier dans le domaine de la formation. Alors que l'on déplore le risque de pénurie de médecins, les chiffres publiés par la Conférence des recteurs des universités suisses indiquent qu'au 15 février 2012, il y avait 4305 inscriptions en médecine humaine pour 1137 places disponibles en première année… Il paraît évident qu’un investissement supplémentaire est nécessaire dans ce domaine pour répondre à nos besoins.
Autre exemple dans le domaine de l'innovation. Des brevets c'est bien, surtout s'ils débouchent sur des créations d'entreprises et d'emplois en Suisse. Des start-up, c'est bien surtout quand elles parviennent à se développer et qu'elles sont rachetées, quand elles le sont, par des entreprises suisses. Hélas, ce n’est de loin pas toujours le cas. Les conditions-cadres sont souvent insuffisantes pour assurer la fabrication en Suisse des produits inventés par nos entreprises.
Pour remédier à cette situation, je plaide pour que le domaine FRI devienne le domaine FRIP, pour formation, recherche, innovation, production, en couplant les parcs d'innovation avec des plateformes industrielles. Nous devons multiplier les développements de type Logitech. Il ne me paraît pas normal qu'une idée suisse comme la SMART soit finalement produite en Allemagne, qui n'est à ma connaissance ni un pays émergent, ni une société où le niveau de vie est nettement inférieur au nôtre.
Olivier Feller
Conseiller national, membre de la Commission des finances