Le Conseil fédéral a présenté le 15 mai dernier un projet d’optimisation de la politique de la Confédération en matière de logement afin de tenir compte des effets de la libre circulation des personnes. Les propositions gouvernementales sont réalistes et tiennent compte des différences régionales dans le secteur immobilier. Elles donnent un coup de pouce aux logements d’utilité publique sans péjorer la capacité des acteurs privés à investir dans la production de logements, indispensable pour remédier à la pénurie persistante notamment dans les centres urbains.
La situation du logement varie suivant les régions du pays. Sur l’arc lémanique ou dans l’agglomération zurichoise, il y a une pénurie marquée depuis plusieurs années. Dans d’autres régions, on constate à l’inverse une bonne adéquation entre l’offre et la demande. Compte tenu de ces différences régionales, les politiques publiques en matière de logement, pour être efficaces, doivent être principalement définies dans les cantons et les communes, sur la base des réalités vécues par la population, et non pas à l’échelon fédéral. Les propositions faites par le Conseil fédéral il y a quelques semaines tiennent compte de ce facteur.
La pénurie de logements constatée dans certaines régions n’est pas due uniquement à la croissance démographique (quelque 84'000 habitants supplémentaires par an entre 2007 et 2012). Elle s’explique aussi par la consommation en hausse des surfaces habitables par habitant et la réduction de la taille des ménages.
Pour remédier à la pénurie, il importe de produire davantage de logements, à un rythme plus rapide qu’aujourd’hui, afin de répondre à tous les besoins (logements en propriété, logements en location, logements d’utilité publique). Cet objectif ne pourra pas être atteint sans simplifier les normes et les processus de décisions dans le domaine de la construction. Il faudra notamment veiller à ce que la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) acceptée par le peuple en mars dernier soit mise en œuvre de façon aussi souple et pragmatique que possible. Un effort important devra aussi être entrepris pour sensibiliser les populations locales à la nécessité de densifier l’habitat dans les centres urbains.
En revanche, le durcissement du droit du bail, préconisé par les associations de locataires, ne saurait atténuer le phénomène de la pénurie. Au contraire, la multiplication des contraintes risque de freiner la production de nouveaux logements. Le Conseil fédéral renonce donc, à juste titre, à des mesures en droit du bail. Cette décision se justifie d’autant plus qu’il existe, aujourd’hui déjà, toute une série de mesures protégeant le locataire (protection contre les congés représailles, les congés pression, les congés notifiés en cours de procédure ou à l’issue d’une procédure perdue par le bailleur, possibilité de demander une prolongation du bail pouvant aller jusqu’à quatre ans, etc.). Il ressort d’ailleurs d’une enquête de satisfaction menée il y a quelques mois dans le canton de Vaud par l’institut M.I.S. Trend que 89% des locataires se déclarent très ou assez satisfaits de leurs conditions de logement. 77% des locataires jugent par ailleurs que leur loyer est correct, voire bon marché. Enfin, 90% des locataires n’ont jamais subi de résiliation de bail.
On a le sentiment que l’ASLOCA et la gauche menacent de remettre en question la libre circulation des personnes dans le seul but de tenter de faire passer un durcissement du droit du bail qui n’a jusqu’à présent pas recueilli de majorité aux Chambres fédérales. Le Conseil fédéral ne s’est heureusement pas fait prendre à ce jeu. Les propositions qu’il a faites sont réalistes. Elles complètent judicieusement les règles actuelles s’agissant du soutien aux coopératives d’habitation, préconisent un dialogue accru entre la Confédération, les cantons et les communes en matière d’aménagement du territoire, envisagent une adaptation du Programme Bâtiments afin de provoquer davantage de rénovations énergétiques, etc.
L’éventuelle exemption partielle ou totale de la taxe sur la plus-value foncière - ancrée dans la révision de la LAT - en cas de construction de logements d’utilité publique sur un terrain classé en zone à bâtir est une piste de réflexion intéressante. En revanche, l’utilisation du produit de cette taxe en vue de promouvoir la construction de logements à loyer modéré semble incompatible avec le but poursuivi par le législateur, soit l’indemnisation des propriétaires dont les terrains sont déclassés. Enfin, la proposition du Conseil fédéral de rendre obligatoire sur l’ensemble du territoire l’utilisation d’une formule officielle en cas de conclusion d’un nouveau bail paraît inopportune, en raison des différences régionales.
Sous ces quelques réserves, les propositions du Conseil fédéral vont donc dans le bons sens.
Olivier Feller
Conseiller national
Secrétaire général de la Fédération romande immobilière
Article publié dans Le Journal des arts et métiers du mois de juin 2013