Selon les projections statistiques, le canton de Vaud devrait compter 755’394 habitants en 2020, soit près de 100’000 de plus qu’aujourd’hui. Pour répondre à cette croissance démographique, il faudrait mettre sur le marché au moins 3500 nouveaux logements par année. Un tel objectif n’est atteignable que si la quantité de terrains à bâtir disponibles est suffisante.
Un des postulats retenus dans le nouveau Plan directeur cantonal, c’est que les surfaces à bâtir actuelles suffisent pour répondre au double, voire au triple des besoins prévisibles en logements au cours des quinze prochaines années, dans toutes les régions du canton.
Une récente étude de la BCV a révélé que ce postulat reposait sur un taux de thésaurisation du sol (terrains qui ne sont pas mis en vente par leurs propriétaires et qui sont donc indisponibles) de 20%. Or, selon les conclusions de l’étude, ce taux de thésaurisation des terrains à bâtir serait en réalité proche de 80%. Ainsi, à l’horizon de l’année 2010, il manquerait des terrains constructibles dans la moitié des districts vaudois…
Des mesures coercitives…
En réaction à cette étude, les socialistes viennent de déposer une motion au Grand Conseil qui vise à contraindre les propriétaires de terrains constructibles et équipés à exercer leur droit à bâtir dans un délai de cinq à dix ans à compter de la date d’acquisition du terrain ou du classement de celui-ci en zone à bâtir. Parallèlement les socialistes demandent le déclassement des zones à bâtir qui se situent en dehors des «centres».
…ou des solutions incitatives ?
Les radicaux privilégient une approche pragmatique, qui vise à adapter les mesures à l’évolution de la réalité et non à des dogmes idéologiques. Dans un premier temps, ils demandent au Conseil d’Etat de prendre position sur l’enquête de la BCV. Un postulat a été déposé au Grand Conseil à cet effet. Il faut être au clair sur les faits, sur les données objectives du problème avant d’envisager des mesures correctrices. Dans un deuxième temps, ils s’emploieront à initier des politiques publiques à la fois propices à la construction de logements et respectueuses de la garantie de la propriété.
Plusieurs pistes méritent d’être explorées, comme l’allègement de l’imposition des gains immobiliers, le réaménagement de l’impôt foncier, la densification de l’habitat dans les zones urbaines déjà construites, sans exclure a priori l’extension des zones à bâtir dans les régions du canton où les besoins sont avérés.
En revanche, le déclassement obligatoire de certaines zones à bâtir n’est pas un remède. L’existence de zones légalisées qui ne sont pas utilisées démontre que le marché sanctionne lui-même d’éventuelles erreurs de planification. Le déclassement de ces zones susciterait des débats juridico-politiques délicats et aurait très certainement des incidences financières pour les communes et l’Etat.
Au-delà des choix politiques, il y a de quoi s’interroger sur le degré de précision du Plan directeur cantonal. Comment peut-on proclamer que les surfaces à bâtir légalisées suffisent largement pour absorber la croissance démographique tout en esquivant la question de la thésaurisation du sol? Autre exemple : l’étude de la BCV relève qu’il n’existe aucun inventaire des coefficients d’utilisation du sol (CUS) des terrains constructibles. Dès lors, comment mettre en œuvre l’objectif de densification poursuivi par le Plan directeur cantonal?
Olivier Feller
Député
Article publié dans la Nouvelle Revue du mois de mai 2008